[Fini] News of the day - terrazio 01

Ses passages au centre hospitalier de San Francisco deviennent malheureusement récurant. Il s’efforce de suivre le rythme voulu par les examens médicaux sans mettre de côté ses obligations en tant que PDG de l’écurie. C’est compliqué, mais il s’y tient même si l’avis de ses médecins est contraire. Il ne va pas tout lâcher. Son métier est tout ce qu’il lui reste et il ne veut absolument pas manquer à ses obligations envers l’affaire familiale. La simple pensée pourrait le tuer. Il ne peut le tolérer. A défaut d’avoir une vie sentimentale épanouie, il s’efforce de travailler d’arrache-pied. Simplement parce qu’il n’est pas du genre à se laisser aller et à s’apitoyer sur son sort. Cette maladie, il la connait. Elle est une gangrène avec laquelle il a grandi et dont il pensait s’être débarrassé. Le destin en a voulu autrement. La seule chose qu’il aurait souhaité est de ne pas faire un gros malaise durant une réception. Il se pensait d’attaque, mais sa présence à l’hôpital semble prouver le contraire. Jack est passé le voir, car en tant qu’agent de l’ordre, il a forcément été mis au courant par ses collègues qui ont eu vent de l’appel au 911. Désormais comme il peut le voir dans le journal, l’information est dans la presse. Les spéculations sont nombreuses et l’ancien pilote espère juste que sa mère n’en ait pas vent. Pourtant, il ne s’agit plus qu’une question d’heures, car il est fort à parier, qu’une de ses amies ne manquera pas de la mettre au courant. C’est bien la dernière chose dont il a besoin : qu’elle s’inquiète. Elle a déjà assez à faire avec son cancer. Sagement installé dans son lit, il ressent le manque de nicotine. Cela le met sur les nerfs, mais il s’efforce de demeurer courtois avec le personnel de l’hôpital. Ils n’y sont pour rien s’il a fait un malaise. Il va faire un micro-séjour à l’hôpital. L’affaire de deux jours pour refaire une série de test pour savoir si la maladie a évolué. Il sait qu’il va devoir prendre son mal en patience. A défaut d’avoir son ordinateur portable, il regarde ses mails depuis son téléphone, passe les appels nécessaires même si cela l’épuise. Il le sent dans le ton pâteux qu’à sa voix. La somnolence le gagne et il finit par abandonner sa tâche pour se reposer. Les heures s’écoulent et il finit par émerger quelques heures plus tard, l’esprit hagard. Il demande un café à défaut de pouvoir sortir pour fumer une clope. Il est encore trop faible pour faire fonctionner les roues du fauteuil roulant qu’on lui a apprêté. Lorsqu’il sent une présence s’inviter dans sa chambre individuelle, il relève naturellement sa tête pour observer son invité. Son cœur manque un battement lorsqu’il prend conscience qu’il s’agit d’Ignazio. Il se demande s’il n’est pas en train de rêver tant la probabilité qu’il soit là est inexistante. Pourtant, le timbre de sa voix semble réel et l’étreinte dont il l’enserre est bien réelle. Le contact de sa main autour de son cou est bienfaisant. Il sent naturellement son corps se détendre, car il reconnait ce toucher tant il lui est familier. Enfin, il l’était par le passé et pourtant, son toucher est encore profondément encré dans sa chair, tout comme son odeur qui vient envahir ses narines. Il n’ose pas lui rendre son étreinte, encore troublé par cette apparition alors qu’il sent son cœur se gonfler à la fois de bonheur et de tristesse, car il n’est nullement en droit de cueillir ses lèvres dont la texture lui manque tant. « Tesaro… » Sa voix n’est que murmure, preuve du trouble qui l’assaille par sa présence. Ses prunelles viennent retrouver le visage de son ex-petit-ami qui n’a pas relâché son étreinte. « Je vais mieux. » Il lui indique dans un ton doux, car il prend conscience que c’est une profonde inquiétude qui l’a conduit à lui. Il avait besoin de le voir, de s’assurer de visu qu’il allait bien comme il en avait eu besoin quelques mois auparavant lors d’un tremblement de terre. « J’ai juste eu un malaise. J’étais plus faible que je l’imaginais et ça n’a pas raté. » Il commente simplement. « C’est juste tombé au mauvais moment, ce qui explique cette mauvaise presse. » Il lui indique en venant glisser sa menotte à son tour dans la nuque de son ex-amant. La pression se veut tendre, apaisante, car il veut éloigner son angoisse de son échine, comme il était amené à le faire après une course difficile. Cette proximité est dangereuse, car elle réactive des mécanismes que le pilote n’a jamais oublié. Son nez vient naturellement se perdre contre sa mâchoire. « Désolé de t’avoir inquiété. » Il lui souffle dans un murmure contre sa fine barbe. Il n’a pas besoin de le questionner. Il sait qu’il s’agit de cet attachement qui l’a conduit à lui. Ils ont beau prétendre le contraire, Terrence a accepté de porter des œillères, mais la vérité est là, palpable dans cette étreinte. Leur cœur est toujours attaché à l’autre, mais c’est Ignazio qui a tout pouvoir entre ses mains. Il est celui qui mène la barque puisque le pilote a décidé d’abandonner la barre à un moment donné.

L’arrivée inattendue d’Ignazio le prend de court. Il n’avait nullement envisagé cette possibilité tant leur dernière rencontre l’avait porté à croire que ce serait la dernière. Il avait bien décerné dans le discours de son ex-petit-ami sa volonté de tirer un trait sur leur histoire et d’avancer de son côté. Il avait accusé le coup et avait fait taire ses sentiments en se tenant à distance de lui. Il avait accepté la douloureuse fatalité que leur histoire était définitivement finie. Aucun retour possible en arrière et Terrence n’avait pas assez d’énergie pour se perdre pour un combat où il n’était pas certain de pouvoir réoffrir le bonheur à son ex-compagnon. C’était sans doute mieux qu’il se tienne à distance et avance. Jack, son frère l’avait incité à aller de l’avant, de fréquenter de nouvelles personnes pour avancer, mais il ne l’avait point fait. Il n’était pas suffisamment en bonne santé pour prendre le risque d’embarquer quelqu’un dans une relation qui pourrait mal se terminer si le destin le décidait. Il ne se faisait pas d’illusion, sa maladie avait repris du terrain. Elle devenait de nouveau cette dangereuse épée de Damoclès qui pouvait s’abattre brutalement sur lui. Il n’était même pas certain de vouloir la combattre tant il avait du mal à percevoir pour quoi il se battait réellement. Il était seul quand bien même bien entouré. Jamais il ne viendrait à s’en plaindre, mais il venait de franchir la barrière de la quarantaine et l’idée de vivre une vie de solitude seulement ponctuée par des histoires sans lendemain n’était pas une perspective qui l’enthousiasmer. Il avait du mal à croire qu’il pourrait de nouveau aimer comme il avait aimait Ignazio. C’était quasiment impossible. En tout cas pour lui. C’est pour cela que la présence d’Ignazio est si désarmante. Elle ravive les braises d’un espoir qu’il a tâché d’étouffer, car il se le devait. Sentir son corps chaud contre le sien, son souffle se mourir sur son oreille, tout comme l’odeur de son parfum embaumer ses sens est une torture à la fois esquisse et déchirante. Il se rend compte que la volonté de fer d’Ignazio est ébranlée par ce qu’il a lu dans la presse, que son affection à son égard est plus profonde que sa raison et qu’il ne pouvait se ressourdre à se tenir éloigné de lui dans de telles conditions. D’ailleurs, il ne manque pas de soulever son inquiétude de manière détournée, mais Terrence intercepte pleinement le message. Il s’en excuse tout naturellement, affligé de l’avoir inquiéter, car c’est bien la dernière chose qu’il souhaite à ses proches. Le contact des lèvres de son Tesaro contre sa pommette met du baume à son cœur écartelé entre bonheur et tourment de l’avoir contre lui, mais pas totalement sien. Pourtant la pression de ses doigts dans sa chevelure devenu plus épaisse au fil des derniers mois est apaisante. Il ne peut contenir un sourire à la remarque de son ex-compagnon, retrouvant son humour légendaire qui est toujours parvenu à le détendre, même dans les pires situations. Il ne le retient pas lorsqu’il le sent amorcé un mouvement pour s’éloigner de lui. Son étreinte se défait alors que le musicien vient prendre possession sur la chaise située près de son lit. Il s’installe pour lui tenir compagnie, ce qui le ravit malgré lui alors que ses prunelles azurs se perdent dans les siennes. Sa question est directe, car elle transluit l’inquiétude qui pèse sur le cœur de son ex-compagnon. Il pourrait résolument lui mentir pour lui permettre d’alléger son inquiétude et lui permettre de s’en aller de nouveau, mais Terrence n’a jamais été un homme qui camoufle la vérité. Un soupir las vient s’échapper de ses lippes alors qu’il glisse sa main dans sa propre nuque. « Malheureusement, oui. » Il lui indique dans un ton humble. « J’ai dû modifier mes habitudes de vie. Beaucoup et repos et de travail à domicile, mais je ne peux malheureusement pas éviter quelques apparitions comme celle-ci. Je suis de nouveau un traitement, mais mon corps doit encore s’y habituer et je n’ai plus sept ans. » Il lui indique simplement dans un petit sourire désabusé. « Je dois de nouveau passer une série de tests pour tenter de modifier le traitement. Il semblerait qu’il ne soit pas adapté. Je dois juste être patient et voir ce que le destin a prévu pour moi. » Il lui indique avec un ton léger, car il ne veut pas laisser apparaitre l’abattement qui parfois l’étreint avec force. « Et toi ? Comment vas-tu ? » Il le questionne sans le quitter du regard. « Je crois que tu es en train de travailler sur un nouveau projet de séries de concert ? Tu vas bientôt reprendre la route ? Te connaissant, ça devait te manquer ! » Il lui indique dans un sourire chaleureux. Il ne lui pose pas de question concernant sa relation amoureuse. Il n’a pas besoin de se déchirer plus fortement le cœur. Sa présence est bienfaitrice. Son amitié également et il doit seulement s’en contenter. C’est mieux que rien.  

L’apparition du médiateur entre les phalanges d’Ignazio lui laisse pleinement entrevoir l’étendue de l’anxiété qui l’a pris en grippe à la découverte de son malaise. Il ne dit mot, mais ses prunelles viennent naturellement se perdre sur l’instrument. Il aimerait pouvoir se saisir de cette menotte pour lui administrer l’apaisement nécessaire, mais Terrence n’a jamais été capable de mentir au musicien. Ignazio a subit bien trop de mensonges dans son existence de la part d’homme qui ne lui apportait nullement le respect qu’il mérite. Terrence s’est toujours refusé d’être un de ses hommes. En conséquence, quand bien même la présence de cet objet le trouble, il ne l’empêche pas de jouer avec lui. Il s’efforce juste de lui dire la vérité, de camoufler l’étendu du stress que sa situation lui apporte au quotidien. Il s’efforce de rester sur des faits tout en tâchant d’atténuer cette angoisse qu’il a provoqué dans l’échine de son ex-compagnon. « Oui, ils ont programmé toute une série de tests pour les jours à venir. Je ne sais pas encore quand je vais sortir. Je pense que ce sera quand ils auront régulé mon traitement. Il faut toujours un temps d’adaptation, mais une fois le dosage fait, je pourrais rentrer chez moi. » Il ne dit pas à la maison, car il a compris qu’Ignazio ne considérait plus sa demeure comme la sienne. Sous le coup de l’émotion, il avait modifié certaines choses pour éviter que sa maison le renvoie à cette conversation douloureuse. Il avait même laissé Jack et Mia bougeait des éléments dans la demeure au fil de leur passage. C’était toujours mieux pour lui que de se torturer le cœur et l’esprit avec une relation dont il devait assurément faire le deuil. D’ailleurs, il fait rapidement tourner la conversation à l’attention d’Ignazio. Il cherche à prendre de ses nouvelles en omettant de parler de sa vie intime. Il a très bien compris le message passé lors de leur dernière rencontre et il n’a pas le cœur à se tourmenter plus encore. Il se dit juste qu’il est heureux en ménage et que c’est mieux ainsi. Il ne cherchera plus à lui faire comprendre qu’il lui manque et qu’il voudrait rattraper le temps perdu. Ce n’est plus d’actualités. Il l’écoute attentivement, le trouvant toujours aussi captivant lorsqu’il aborde son travail. Il aime ce qu’il fait et cela se voit et s’entend et c’est ce qui fait de lui un bon musicien. Il vit pleinement sa passion et c’est assurément ce qui l’a toujours rendu captivant pour le pilote. Sans sa musique, Ignazio aurait été assurément perdu dans sa vie. Elle lui a permis de la vivre pleinement avec ses hauts et ses bas. La remarque de son ex-compagnon lui arrache un sourire. « Je ne me le permettrais pas, même si je pense que j’aurai les bons contacts pour. » Il lâche dans un faible rire. « Je suis toujours ta carrière avec attention dans la presse spécialisée. Tu sais bien que je suis autant un passionné de musique que tu ne l’es. J’ai épluché les articles. » Il lui indique dans un sourire alors que ses prunelles sont ancrées aux siennes. « J’ai hâte de découvrir ton nouvel album et découvrir tes nouvelles inspirations. » Il lâche dans un sourire un peu plus mélancolique. Si l’album précédent lui était entièrement dédicace, car la rupture avait été brutale, mais inspirante, il suppose que ce nouvel album sera plus lumineux, dédié au renouveau, à la découverte d’un nouvel amour en disant au revoir au précédent. Il est fort à parier que comme le précédent, cet album lui lacèrera le cœur et les tripes, mais la boucle sera assurément terminée et tout deux pourront avancer à leur rythme, vers un avenir meilleur. « Je suis sûr qu’il sera encore meilleur que les précédents. Tu es désormais un artiste confirmé qui se bonifie avec l’âge. » Il conclut dans un sourire qui se fait plus sincère et humble.  

Tu voudras que je vienne te voir ? La réponse est évidente. Ignazio doit parfaitement la connaitre. Il ne s’est jamais lassé de lui et il sait désormais qu’il n’a pas tourné la page sur leur histoire. Pourtant Ignazio de son côté à avancer. Il le sait et il s’efforce de ne pas lire entre les lignes de cette proposition, de la prendre telle qu’elle est : amicale. Il lui propose sa présence pour tronquer sa solitude en toute amitié et Terrence ne compte pas la refuser. Il apprécie sa compagnie quand bien même elle le tourmente, car il ne peut maîtriser ses sentiments à son égard, revenir en arrière et ne voir en lui qu’un ami. Un ami qu’il n’a jamais été. Ignazio l’a attiré dès le premier regard. Ses prunelles azurs l’ont hypnotisé et il n’a pu lutter contre ce désir qui l’a emporté dans un jeu de séduction et de lutte qu’il n’avait jamais expérimenté avant lui. Aujourd’hui encore était une lutte de tout instant. Sa soif de lui ne s’étanchait pas. Il le voulait comme il l’avait désiré dès le premier jour. Malheureusement, il lui était inaccessible. Encore plus qu’à l’époque de leur rencontre, car désormais, il était avec un autre. Un autre qui n’était pas lui, qui avait toutes ses chances de lui offrir ce bonheur que le destin leur avait arraché. Il se devait de retenir cela. Rien que cela. Tout ce qu’il pouvait escompter de leur relation était une amitié. Ce qui n’était pas le néant et qui suffisait à combler un tant soit peu le vide que leur rupture avait crée au sein de sa poitrine. « Ma porte t’es toujours ouverte. » Il se contente de lui répondre dans un sourire timide. Une manière de lui indiquer qu’il ne le repoussera jamais, lui laissant la place qu’il souhaitera prendre à ses côtés. Une démonstration humble de ce deuil qu’il s’efforce d’accepter pour avancer de son côté, sans le perdre totalement et que cette réalité ne le tue. La conversation tourne naturellement vers le musicien, simplement parce que Terrence désire également prendre des nouvelles sur ses projets professionnels, car il est un fan de la première heure. Ignazio est un artiste complet et passionné. Il a son respect et son admiration depuis le premier jour et cela ne s’est jamais atténué. Un sourire vient ourler ses lippes à la mention humoristique de son ex-petit-ami. C’est une vérité. Il n’a fait que se perfectionner au fil des années dans son art, dans la constitution de ses textes et de sa musique. Ce talent, il l’a dans la peau et l’a perfectionné à merveille. Leur succès n’est en rien un coup du hasard. Ils l’ont gagné à la sueur de tous les efforts qu’ils ont mis en œuvre pour y parvenir, créer leur musique et la partager. Parler de sa musique a toujours atténué le stress de son ex-petit-ami. L’effet est toujours le même présentement alors qu’il le range dans la poche de sa veste. « Je n’en doute pas. » Il lui indique dans un sourire mélancolique. Il est fort à parier que l’album le bouleversera, que comme le précédent, il lui fera ressentir des émotions profondes et vivaces. Celles qu’on ne peut pas fuir tant elles nous prennent aux tripes. Il suppose que certaines chansons joueront avec sa jalousie, qu’elles le mettront à genoux, car elles seront la note finale d’une époque révolue. La leur. « Avec plaisir. D’ailleurs, je note que tu me dois une copie dédicacée du dernier album. Autant faire une pierre, deux coups. » Il lâche dans un sourire simple, mais sincère. Cet album qui est sorti sans lui, sans son soutien, sans en avoir eu des aperçus dans les pièces de sa demeure qu’il partageait alors avec ce dernier. Terrence glisse sa main dans ses cheveux. Les images du passé l’envahissent et le bouleversent sans crier garde. Son regard se fait plus brillant alors qu’il s’intime à s’extirper de cette forme de mélancolie qui l’enferme dans ses griffes acérées. Aujourd’hui, ces droits, c’était un autre qui les avaient. Un autre qui n’était pas lui. « J’ai hâte de le découvrir en tout cas. » Il lui indique avec sincérité, car même s’il sait qu’il risque de briser ces derniers espoirs, ce sera peut-être la thérapie dont il aura besoin pour aller de l’avant, tirer un trait. « J’espère que tu me réserveras une place dans le carré VIP lors de votre premier concert. » Il ajoute dans un sourire faible. Ses phalanges s’agitent. L’envie de nicotine vient le tirailler avec violence. « Qu’est-ce que je tuerai pour pouvoir fumer une clope. » Il avoue dans un soupir alors qu’il est coincé dans ce lit. Pourtant il sait qu’il n’est pas en état de se lever et de marcher jusqu’au patio. Le seul moyen serait de prendre un fauteuil roulant et il ne compte absolument pas se donner en spectacle devant Ignazio. Ce besoin finira par lui passé, comme ce besoin de lui dont il n’arrive pas à se défaire et dont il prierai presque de pouvoir y parvenir tant il a perdu l’espoir.

Le dernier album t’était déjà dédicacé. N’as-tu pas lu la dernière page du livret ? Bien sûr qu’il l’avait lu. Il avait été troublé d’y lire son prénom, car elle ne laissait aucun doute sur l’identité du sujet de la plupart des morceaux d’Ignazio. Cette douleur, c’était celle qu’il avait engendré dans le cœur d’Ignazio après leur rupture. Il ne dit mot, se contente de sourire aimablement pour ne pas appesantir l’ambiance entre eux. Leur échange est bon enfant. Il ne veut nullement l’entacher par le passé. Le musicien accède à sa demande. Il aura une place pour le premier concert de sa nouvelle tournée à tous ceux où il voudra se rendre. Un sourire amusé ourle ses lippes. Le musicien semble déterminé à l’avoir dans son environnement. C’est résolument un changement qui s’opère contrairement aux précédents mois. Il ne dit mot, mais son regard pénétrant s’exprime pour lui. Il l’observe avec intensité, sans trop savoir ce qu’il doit lire au travers des lignes. Il a conscience qu’il ne doit pas trop en avoir. La volonté du musicien a été claire. Il le veut dans sa vie, en tant qu’ami, mais ses gestes semblent rechercher une intimité qu’ils ne devraient plus avoir. La pression de ses doigts sur sa main, la caresse de son pouce au creux de sa main. Les signes contradictoires l’embrouillent et agitent ses émotions. Il n’est pas insensible à ce contact lourd de sens. Le geste est tendre, révérencieux, un de ceux qu’on octroie qu’à une personne qu’on aime. L’effet grise son épiderme tandis qu’une douce chaleur s’immisce dans ses veines et trouble les pulsations de son myocarde. Son regard se braque dans celui de son ex-compagnon. Ses propos lui arrachent un rire léger. « Tu sais que c’est peine perdue ? » Il lui indique quand bien même l’envie vient de lui passer. Sans doute parce que sa chair est au contact de la sienne et qu’elle éveille un besoin de contact qu’il ne peut pas satisfaire. Il s’efforce de ne pas agir à sa guise. Sa main demeure prisonnière de la sienne et elle profite pleinement de ces touchers apaisants qui éveillent une envie qu’il doit taire. Il se concentre sur leur échange, quand bien même une part de son esprit est focalisé sur ce contact qui signifie tant de choses pour lui. « Cela se passe bien. » Il commente lorsque la conversation se tourne vers l’écurie. Nous faisons une bonne saison avec nos nouveaux poulains. On a subi une attaque d’un conçurent sur un de nos prototypes, mais nous avons réagi suffisamment tôt pour mettre à la porte le coupable de cette fuite. Depuis, je suis contraint de mener des enquêtes internes par moi-même pour m’assurer que nous n’avons pas d’autres taupes. » Il lui indique avec sincérité, car par le passé, il ne lui taisait rien sur son travail. « Fort heureusement, je peux compter sur une nouvelle recrue que j’ai moi-même embauché. Elle m’aide énormément dans les dossiers en cours et je peux lui faire confiance. Elle me soulage d’un très gros poids, surtout que Jack est très occupé en ce moment. Cela fait du bien d’être bien entouré, alors je suis plutôt serein. J’espère juste que le traitement finira par fonctionner et que je n’aurai plus à me tenir loin du terrain. C’est déjà assez frustrant de ne plus être sur le circuit… » Il conclut dans une voix lointaine. Cet accident a été dévastateur pour lui. Il a perdu une partie de son âme dans l’équation et la réapparition de sa maladie n’a fait que renforcer cette réalité. « Cela m’a contraint à reprendre la musique et mes morceaux. Il faut voir le côté positif dans tout cela. » Il lâche dans un sourire amusé, se rendant compte que ses propos peuvent appesantir l’atmosphère.

Tu sais que je perds pas facilement espoir et que je peux être très persuasif. Le ton se veut complice et Terrence retrouve des brides d’une complicité qu’il avait cru avoir définitivement perdu avec le musicien. Il suffirait de fermer les yeux sur les dernières années passées pour avoir l’illusion que rien n’a changé entre eux. « Et moi très têtu. » Il conclut dans un petit sourire contrit, car c’est résolument l’un de ses défauts. Celui à cause duquel il s’est privé de cet homme, pourtant déterminé à rester à ses côtés malgré l’adversité. Sa plus grande erreur sans doute. Celle dont il s’attribut totalement les torts et à laquelle il fait face à ses responsabilités. Il était prêt à prendre la place que souhaitait lui faire prendre le musicien à ses côtés. Il se contenterait de peu, laisserait le temps cicatriser son cœur qui ne battait encore que pour cet homme et serait juste heureux de l’avoir à ses côtés. Enfin si le destin lui en offrait l’opportunité. L’échange se porte naturellement vers son écurie et Terrence ne se montre nullement avare à ce sujet comme par le passé. Il lui révèle des informations que seuls les plus hauts gradés sont au courant, car il n’a jamais eu de tabous avec cet homme qu’il comptait bien épouser à une époque. « Je ne sais pas. » Il admet sincèrement. « Peut-être. » Il ajoute dans un soupir avant de poursuivre. « Tu penses rarement que tes collaborateurs vont te tourner le dos pour une liasse d’argent plus importante qu’un salaire conséquent qu’ils touchent déjà. » Il se rend compte qu’Ignazio a raison lorsqu’il lui indique qu’il n’a pas à se préoccuper du travail tant qu’il était ici. Il est vrai qu’il pouvait compter sur sa nouvelle recrue. Ce qui était une sensation agréable. Parfois, il lui était difficile d’être Miguelangelo Terrence Delaney, propriétaire des écuries Ferrari avec toute la charge psychologique que sa position lui imposait. Il s’y était fait comme pour de nombreuses choses dans son existence. L’une d’entre elle se trouvait sous ses yeux, serrant sa menotte avec cette compassion qui lui collait à la peau. Il s’efforce de chasser ces mauvais souvenirs pour aborder une passion commune. La musique. Cette muse qui a été le ciment de leur relation, de cette connexion que leurs âmes ont ressenti au contact de l’autre. Un sourire ourle ses lippes. Son expression se fait plus rieuse alors qu’il ajoute. « Je me le demande tous les jours. » Il indique dans un petit rire alors qu’il écoute attentivement la proposition d’Ignazio. Je pourrais t'accompagner si tu veux percer dans une nouvelle voie ou juste rejouer un peu avec toi comme avant. Comme avant. L’idée est plaisante, enivrante et l’idée de partager de nouveau un moment en intimité avec le musicien terriblement tentante. Son cœur s’emballe dans sa poitrine alors que ses prunelles océanes ne quittent pas les siennes, se perdant dans leur profondeur. « Je n’ai clairement pas ton talent, ni ton courage d’exprimer pleinement tes émotions dans mes morceaux, mais si tu es sage, je pourrais éventuellement t’autoriser à écouter mes derniers morceaux, te laisser les chanter. » Il lui indique dans un petit sourire en coin. Il a toujours aimé entendre la voix profonde et mélodieuse d’Ignazio venir sublimer ses humbles compositions, en faire leurs morceaux, les leurs, ceux qu’ils conservaient dans leur intimité à défaut que le pilote autorise le musicien à les jouer sur scène. Ses morceaux devaient rester les leurs. Depuis quelques années, ils n’étaient plus qu’à lui, lui donnant la certitude qu’ils étaient incomplets. L’idée de pouvoir les partager de nouveau avec lui l’attire inexorablement quand bien même y succomber est lourde de sens. Ignazio ne peut pas être totalement aveugle au fait qu’ils sont en train de bouger les lignes de cette amitié qui n’en est pas totalement une comme par le passé, à l’époque où ils s’étaient rencontrés.

L’idée de partager de nouveau ses compositions avec Ignazio est terriblement enivrante et tentante. Elle agite son myocarde dans sa poitrine au point qu’il a la sensation qu’il pourrait s’en extirper tant les battements se font intense. Il n’est pas le seul à être agité. Il perçoit cette fébrilité dans le regard d’Ignazio qui semble se faire happer par les souvenirs de ces soirées passées ensemble à jouer de la musique. Des soirées où ils étaient ouverts aux propositions de l’autre juste pour sublimer des morceaux qu’ils travaillent séparément ou conjointement dans leur intimité. Ils se complétaient tellement. Le ferait assurément de nouveau s’ils cédaient à cette envie de partager cette complicité. Une ambition brûlante qui lui ouvre des perspectives qui lui plaisent inexorablement et qui s’accentuent au contact de cette main contre sa joue. Ce toucher lui arrache son souffle, met tous ses sens en alerte tant il le prend de court et le bouleverse. L’intensité du regard du musicien l’envoute et l’attire tel un aimant. Je serai sage. Ce murmure qui lui arrache un frison de plaisir. Le ton est si doux, presque comme une caresse sur son cœur qui n’arrive plus à garder un rythme cardiaque serein. Il meurt d’envie de s’emparer de sa main pour l’embraser. Il éveille sa tendresse, son affection qu’il ne parvient pas à taire à son sujet. « Tesaro… » Un murmure qui s’épanche hors de ses lippes alors qu’il semble prêt à lâcher prise au moment même où son ex-compagnon prend conscience de son geste. Il s’éloigne sans crier garde comme s’il venait de se brûler les ailes. Terrence le laisse faire, demeure silencieux quand bien même ses propres émotions menacent de le submerger. Il s’est promis de respecter la volonté d’Ignazio, d’accepter l’amitié qu’il lui propose sans rien attendre de plus que ce qu’il pouvait lui donner. Seulement cette caresse n’avait rien d’amicale. Elle était pleinement empreinte d’une tendresse amoureuse, d’une intimité qu’on a qu’envers son amant. Il ne veut pas le chambouler bien plus qu’il ne l’est déjà. Sa fébrilité est si évidente. Elle rend ses prunelles que plus envoutantes au point que c’est une torture pour lui de ne pas venir vers lui pour abréger ses inquiétudes, lui faire comprendre qu’il n’y a rien de mal dans son geste, qu’elle n’est la relique que d’un sentiment désormais effacé, mais il sait qu’il lui mentirait. Il l’a fait qu’une seule fois, enfermé derrière les barreaux et il s’en est profondément voulu. Sans doute qu’il ne se l’est même pas pardonné tout en sachant qu’il devait le faire. Seulement avec du recul, il sait qu’il a commis une grossière erreur. Pas alors qu’il est celui qui n’arrive pas à tourner la page et qui ne sait même pas s’il en a réellement envie. Le maître de son cœur est et demeure Ignazio. Tu me manques ! Cet aveu qui sonne comme un cri du cœur et qui ébranle toute sa raison. « Tesaro… » Il murmure dans une voix presque éteinte. Sa main vient doucement se saisir de la sienne. Il la porte à ses lèvres pour y déposer un baiser tendre en son creux. Ses lèvres retrouvent la douceur de sa peau et il inspire profondément. « Tu me manques aussi. » Un murmure déposé au creux de cette main qu’il garde prisonnier de ses doigts, de ses lèvres qui déposent des baisers en son sein comme il l’aimerait embraser ses lèvres. « Mes sentiments sont les mêmes, Tesaro. Rien n’a changé. J’accepterai tout ce que tu pourras me donner, sans rien attendre en retour. » Il lui indique en venant embrasser une dernière fois le creux de sa main avant de relâcher son emprise dans une dernière caresse. Terrence se pliera à ses volontés. C’est Ignazio qui est maître de leur destin. Il lui concède ce pouvoir, il n’est pas en mesure de s’imposer. Il a perdu ce droit.