Heureux qui comme Ulysse - Terazzio

Je peux déjà te faire cette promesse, je reste dans ta vie, je ne sais pas comment, mais je resterais. Cette promesse faite au chevet de son lit d’hôpital ne quitte pas son esprit. Il ne pourrait se refuser de retrouver ce sentiment d’appartenance qui l’a possédé aux côtés d’Ignazio, cet homme qu’il n’a jamais réussi à supprimer de son cœur. L’affection qu’il lui porte n’a pas tarie. Elle est telle une plante vivace qui ne cesse de croitre quand bien même il ne l’a pas entretenue au cours de ces dernières années. Cette promesse est comme un rayon de soleil qui frappe son épiderme en plein hiver. Elle est solidement ancrée dans sa poitrine et quand bien même il s’efforce de ne pas se laisser à de doux rêves, il ne peut pas s’en empêcher. Ce baiser volé et ce contact intime dans lequel Ignazio les a enfermés, occupe toutes ses pensées lorsque son attention manque de vigilance. Il ose croire l’impossible, mais se contentera de la réalité si celle-ci n’est pas en adéquation de ses espoirs secrets. Il prendra la place que Ignazio souhaitera lui faire prendre, car il ne peut concevoir une vie sans lui. D’autant plus si celle-ci se retrouve écourté par sa maladie. Il n’essaye pas d’y penser, mais il a conscience d’être sous le gourou d’une épée de Damoclès qui pourrait le frapper à tout instant. En conséquence, il fait très attention à lui, au moindre changement dans son état qui pourrait être inquiétant. Il prend du temps pour lui, pour se reposer et pour se laisser bercer par la musique comme à l’époque où elle était cette muse qui occupait ses journées d’enfant malade. Lorsque le nom d’Ignazio apparait sur l’écran de son téléphone portable, son cœur manque un battement. Un sentiment d’allégresse se superpose à une inquiétude que cette promesse n’était que le fruit de son imagination. Aussi troublante que cette inquiétude puisse l’être, elle ne l’empêche pas d’ouvrir le message et de lire un contenu qui le met en branle. On est arrivé à un commun accord on va dire. On s’est séparé. Cette nouvelle à laquelle il ne s’attendait pas, mais qui fait exploser cet espoir qu’il avait tant tenté de tenir muselé, en vain. Son cœur bat la chamade dans sa poitrine alors qu’il échange des mots avec son Tesaro, son homme sans doute de nouveau si la vie veut bien lui offrir une seconde chance. Il se sent fébrile lorsqu’ils s’accordent pour se retrouver en début de soirée. L’impatience et l’émotion sont si vivaces qu’il a du mal à se concentrer une grande partie de l’après-midi qui suit. Il ne peut contenir ce besoin qui lui vrille les tripes de l’avoir à ses côtés et le sentir de nouveau contre lui. Pourtant, il s’efforce de gérer cette urgence comme il peut. Il commande à manger chez un traiteur qui lui livre le repas en temps et en heure avant qu’il ne prenne la direction de la salle de bain pour prendre une bonne douche. Il espère qu’elle lui permettra de reprendre ses esprits. Ce qui semble lui apporter un peu de sérénité alors qu’il s’en extirpe pour revêtir un pantalon et une chemise en lin blanche. Il en profite pour se raser pour enlever cette barbe hirsute qui orne depuis trop de semaines ses joues et sa mâchoire. Il veut être présentable et espère que ses traits épuisés ne seront pas trop perceptibles. Lorsque la voiture d’Ignazio pénètre dans son domaine, Terrence est fin prêt à l’accueillir quand bien même une certaine agitation le gagne. Ce n’est pas la première fois qu’il vient dans cette demeure. Elle a même été la leur. Elle l’est toujours dans le cœur du pilote. Il espère qu’il y retrouvera rapidement ses marques et que tout coulera de source de nouveau. Il le retrouve naturellement sur le pas de sa porte et un sourire vient se nicher sur ses lèvres en réponse à celui de son Tesaro. Sa remarque taquine lui arrache un rire. « J’ai l’habitude de t’attendre et ça ne me dérange pas. » Il murmure avec douceur alors que les lèvres de son tesaro vient se poser sur les siennes. Sa main vient naturellement se poser sur sa joue pour la caresser avec tendresse. Ses prunelles brillent d’une émotion profonde. On peut lire dans l’éclat de ses rétines toute la dévotion qu’il a pour cet homme. « Je t’en prie, rentre, fais comme chez toi. » Il lui indique en se décalant de la porte pour le laisser entrer et redécouvrir leur ancienne demeure. Il le suit sagement le long du couloir avant qu’il ne pénètre dans le salon où ils ont tant passée des soirées enlacées à regarder un film ou à faire de la musique. D’ailleurs sa guitare dans un coin de la pièce, près du canapé, là où il l’a déposé plus tôt. Il se rapproche de lui. Son odeur enivre ses narines alors qu’il ne peut contrôler ce besoin de l’étreinte. Alors, il s’autorise ce contact et glisse ses bras autour de ses hanches pour le blottir tout contre lui. Son visage vient naturellement se blottir contre son omoplate, glisse contre sa nuque. « Désolé, j’ai trop besoin de te sentir contre moi. Juste pour m’assurer que ce n’est pas un rêve et que tu es de retour, mio Tesaro… » Il lui indique dans une voix étriquée par l’émotion alors qu’il inspire un bon coup, se nourrit de sa chaleur et de son contact. Il lui a tellement manqué. Enfin, il a l’impression de reprendre son souffle. Un peu comme s’il avait été en apnée jusqu’à cet instant précis où son Tesaro est de nouveau avec lui pour le meilleur comme le pire.

Aujourd'hui, ils savourent de nouveau le bonheur de se retrouver dans cette intimité qui s'est tant faite désirée. Il ne sait pas comment agir convenablement. Il craint d'agir de manière maladroite et qu'Ignazio ne s'enfuit. Il retrouve sa maladresse des débuts, de ces désirs qu'il s'efforce de maîtriser pour ne pas devenir trop persistants avec son compagnon. Un nouveau départ après des années d'eloignement. Une seconde chance qui lui est donnée de refaire partie de la vie de son amant, celui avec qui il avait prévu de finir ses jours. Il est satisfait d'entendre que ses desseins s'accordent aux siens. Ignazio est aussi demandeur de contact qu'il l'est. Le contact de ses lèvres sur sa tempe apaise son cœur et son âme d'une terrible angoisse. Il craignait que le passé ne s'interpose entre eux, mais il semblerait que son tesaro ne lui tienne plus rigueur de rien. Il est là. Il ne bougera plus et cette simple confirmation le déleste d'un poids qui pesait dans sa poitrine. Il sent l'émotion le prendre à la gorge. Son étreinte se renforce autour de la silhouette de son homme alors qu'il est submergé par l'émotion. Lui aussi il lui a manqué. Il n'a pas idée à quel point il a erré au fil de ses dernières années. Il a rencontré d'autres hommes, a partagé leurs couches mais n'a jamais pu s'attacher au delà d'une sincère amitié. Ignazio n'a jamais quitté ses pensées, son cœur et tous ses projets. Il n'a pas été capable d'en avoir tant il ne pouvait définitivement pas se ressourdre à abandonner ceux qu'il avait avec cet homme. Nul homme n'est parvenu à l'ebranler autant que son tesaro. Un seul baiser enflamme tout son être d'une douce chaleur. Son myocarde s'emballe dans ce baiser qui lui arrache son souffle. Il y répond sans pudeur. Ses lèvres s'accrochent aux siennes alors qu'il renforce sa poigne autour de ses reins pour le serrer contre lui. Sa main vient se perdre dans sa mâchoire, son cou alors qu'il dévore sa bouche avec une sensualité qui lui est propre. Il s'abreuve de lui, de son contact, de son odeur. Ses phalanges frôlent sa peau chaude et sans défaut accessible. Il gémit tendrement au contact de son amant. Son cœur est une bombe prête à exploser alors que son corps se parsème de frisons exquis. Enfin il se sent vivant et complet de nouveau.  « Si tu savais comment tu m'as manqué mio Tesaro...» Il murmure contre ses lèvres dans une voix depourvue de force. Le quitter avait été la chose la plus dure de sa vie. Pas même la mort de son père ne l'avait plongé dans un sentiment d'errance total. Son nez glisse contre sa mâchoire, s'enivre de son odeur qui vient titiller ses narines. S'il s'ecoutait, il viendrait l'embrasser, retrouver l'intimité d'une joute charnelle, mais il n'est pas certain que ce soit ce que veut son homme. D'autant plus qu'il n'ont pas clairement discuté de ce qu'il en était pour eux deux. « Je me sens vivant de nouveau. A ma place, dans tes bras.  » Il conclut en venant déposer un doux baiser sur son cou.  « Est ce que tu veux boire quelque chose ?  » Il le questionne simplement alors que son emprise autour de ses formes se relâche. Il fait appel à toute sa raison pour s'éloigner de son homme alors qu'il ne rêve que de sentir son corps contre le sien, mais ils ont toute la soirée devant eux s'ils le désirent.

La raison n’a pas de place dans l’amour. Pourtant, il s’était accroché à elle lors de la période la plus sombre de son existence. Il avait besoin d’elle pour garder les esprits au clair, pour ne pas devenir déraisonnée. Ignazio avait tant de choses à vivre. Il n’avait pas pu se ressourdre à l’enchainer dans cet enfer. A le mettre sous le feu des projecteurs comme un vulgaire morceau de viande qu’ils dilapideraient en l’associant à lui. Il avait souhaité une meilleure vie pour lui, un avenir plus lumineux que celui qu’il se projetait devant eux. Cela n’avait pas été une décision facile à prendre. Elle l’avait ébranlé et détruit. Il avait manqué de perdre l’amour de sa vie, mais c’était un risque qu’il avait pris, qu’il avait tâché d’accepter. Sans y parvenir. Ignazio était une part de lui-même. Il était cette âme à laquelle il s’était attaché, face à laquelle il avait dévoilé tous ses secrets et dont il était fou. Fou amoureux. Aucun homme n’était parvenu à l’égaler. Il était son exception, sa destinée. Aujourd’hui, Ignazio était prêt à lui donner une seconde chance, à passer au-dessus des blessures infligées lors de leur rupture qui lui avait infligé. Et il savait qu’il était revenu chaque jour, chaque semaine, chaque mois durant un temps conséquent pour s’assurer qu’il ne voulait vraiment plus de lui, être présent au moment où il flancherait face à sa raison. Cette période était une douloureuse torture pour lui. Il lui avait été si difficile de dire non lorsque les gardiens venaient lui annoncer la visite d’Ignazio. A chaque fois, il avait senti son cœur se briser un peu plus. Un cœur qui s’était effrité à la sortie de cet album et des suivants. Parce qu’il avait alors su qu’il avait continué d’avancer sans lui, avec la blessure de son abandon et aussi destructeur que cela avait été pour le prisonnier qu’il était, il s’était persuadé que c’était la meilleure chose à faire, même si lui ne parvenait plus à sourire et à rire comme par le passé, conscient d’être amputé d’une partie de son âme. Il avait fait ce qu’il devait faire. Du moins, jusqu’à que leurs chemins se croisent de nouveau, que leurs regards se perdent dans celui de l’autre, comme à cet instant où Ignazio est de nouveau chez eux, dans cette maison qu’il n’est pas parvenu à quitter lorsqu’il a été libéré, alors qu’il lui tendait une bière qu’il était allé rechercher pour lui. Les paroles d’Ignazio le chamboule. Il vient naturellement lui caresser la joue en déposant un baiser sur sa tempe. « Ne t’excuse pas, Mio Tesaro… » Sa voix n’est qu’un murmure. « Je t’ai poussé à le faire. Je ne t’ai pas laissé le choix. » Il ajoute alors qu’il vient l’inviter à s’asseoir en l’entrainant sur le canapé sur lequel il vient prendre place. « C’est moi qui devrais m’excuser. » Il lui indique en venant se perdre dans ses prunelles. « J’ai été fou de croire que je pourrais vivre sans toi alors que tu es tout. Tout pour moi. » Il lui indique en frôlant sa mâchoire du bout de ses doigts. « Mais je voulais croire que tu pouvais trouver le bonheur, loin de moi. » Il lui murmure avec douceur dans un sourire contrit. « Mais mon bonheur, c’est de te voir là, à côté de moi de nouveau. Pour ça, je serai prêt à tout accepter… » Tout accepter de ce que tu voudras. Il ne dit mot, mais l’évidence flotte entre eux. Que veux-tu de moi, Mio Tesaro ? Ses yeux le questionnent alors qu’ils ne se lâchent pas d’une seconde. Ses doigts glissent sur sa nuque, la base de son crane pour frôler ses cheveux. Il retrouve le plaisir de le toucher, de prendre le droit de le faire, de le sentir frissonner à ses caresses. Enfin, il redécouvre le plaisir d’être un amant, de laisser ce feu s’immiscer de nouveau dans ses veines et cette sensation est merveilleuse. Il se sent vivant de nouveau tout simplement.