Premières impressions. ft Esteban

Je me réveille, la tête pas mal en vrac. Faut dire que depuis quelques jours c'est un peu, voir pas mal, le bordel dans mon esprit. Depuis que j'ai fais face, dans ce salon de tatouage, à mon autre moi. C'est étrange de voir son propre reflet, identique trait pour trait, sans avoir besoin ce miroir. Je ne m'en suis pas encore remis. Et je n'arrive pas à me faire à l'idée que je pourrais avoir un jumeau, car oui cette hypothèse plus que logique a été émise, lors de notre discussion. Je refuse d'y croire, même si au final avec mes parents, je pourrais m'attendre à tout. Pour être sur que nous le sommes faudrait qu'on fasse une prise de sang, et ce n'est pas au programme, du moins pour ma part. Et puis un frère me servirait à quoi à présent, à avoir encore plus de regret sur mon enfance. Cela ne changera pas les faits, qui sont à présent actés et écrits au plus profond de ma chair. Et je n'ai pas l'intention de revoir ce Lanister. Rien que son prénom me donne envie de gerber. Et ce diminutif débile Lane, non mais franchement, lui mon jumeau, j'y crois pas. Pour moi il a juste usé de chirurgie esthétique. Mais bon faut pas que je me perde dans mes pensées, aujourd'hui je commence au zoo et je ne peux me permettre de louper mon premier jour. J'ai besoin de ce boulot et je ne veux pas travailler ailleurs. Les animaux je les aime trop et j'ai besoin de leurs contacts pour mon équilibre. Déjà qu'il est pas mal ébranlé, et la moindre étincelle met facilement le feu aux poudres comme l'autre fois dans ce bar. Alors je me lève, file sous la douche et j'oublie l'autre, celui qui me ressemble trop, jusque dans la peau marqué des mêmes symboles, comme si cela ne suffisait pas qu'il est ma tronche, on a aussi à présent le même tatouage. Putain de karma.

Une fois douché et habillé, j'avale un petit déjeuner. Pas question d'aller bosser le ventre vide. Je récupère mes affaires, mon blouson et je sors de mon nouveau chez moi. Je me suis au final pas trop mal habitué à la ville de San Francisco. Je ne me débrouille dans la communication, mais bon même en Italie je pratiquais l'anglais. Pratique de recevoir des étrangers, cela m'a permis de ne pas être trop paumé en arrivant ici. Même s'il semble d'après ce qu'à dit l'autre moi, que mon accent c'est teinté de sonorités italiennes. Moi qui suis irlandais à la base. Enfin, je rejoins ma voiture et je démarre direction Westside et puis Sunset District. Bon là il faut que je mette le GPS car la ville est grande et je me perds un peu, même si j'ai repéré le parcours pour m'en faire une idée et en connaître la durée. J'ai quand même pris un peu d'avance préférant prévoir large que d'être trop juste, je ne suis pas à l'abri de ralentissement sur mon trajet. Mais dans l'ensemble je ne m'en sors pas trop mal. Je me gare au parking employé et je file aux vestiaires. J'ai fais quelques jours d'essais, et on m'a fait tout visiter. Je n'ai pas croisé tout le personnel mais je connais quelques têtes. Et quand j'arrive aux vestiaires encore désert, j'ai une heure d'avance au final. Mais cela va me permettre de vraiment prendre mon temps et de me familiariser avec les lieux. J'ouvre mon casier pour poser mon sac, ma veste et enfiler ma tenue. Quand j'attends du bruit. « Il y a quelqu'un ? » Je vais vers le bruit et je me retrouve face à un mec, un que je n'ai pas encore croisé. Je souris, parce que je reste un mec civilisé malgré mon caractère de con. « Salut. Je suis Declan le nouvel agent animalier. Je commence aujourd'hui. » Et je lui tends ma main, me demandant dans quelle branche il est. Il semble plus jeune que moi, mais c'est peut être qu'une impression. En tout cas selon ce qu'il fait au zoo, je pourrais peut être avoir des renseignements en plus sur les animaux. Parce que j'essaie d'en apprendre un max sur les bêtes dont je vais m'occuper. « Je t'offre un café avant de commencer. » J'ai repéré la machine à café à la sortie du vestiaire et puis si on vient à bosser ensemble autant démarrer du bon pied. Même si je sais que parfois la vie s'amuse à tout gâcher. Mais il ne semble pas un mauvais gars et la première impression est importante.

Chaque matin est devenue une routine huilée. Cela fait plus d’un an désormais qu’il l’accomplit avec une exactitude exemplaire. A six heures du matin, il se lève pour prendre une douche, chasser les différentes traces d’une nuit agitée ou paisible sous le pommeau de la douche. L’eau qui frappe son épiderme à un effet apaisant qui lui permet de faire le vide dans son esprit, de chasser les éternels pleurs qui agitent parfois les nuits de Mila, qui finit souvent sa nuit dans ses draps, accrochée à lui comme s’il pouvait la préserver du monde extérieur. Ces images sont toujours déchirantes, quand bien même il ne peut malheureusement rien y faire. Seul le temps et un suivi psychologique adapté pourra résolument atténuer les démons qui tourmentent sa pupille. Parfois, ce sentiment d’impuissance manque de le faire craquer, mais il se doit d’être le plus fort pour apporter à sa nièce cet équilibre qui a été bafoué. Pour cela, il met tout en œuvre pour avoir le rythme de vie le plus équilibré pour être toujours d’humeur égale. Sans le soutien de ses parents, tout ceci serait impossible pour ses frêles épaules. Il n’avait jamais envisagé d’être père. En partie à cause de sa spécificité qu’il a fini par accepter. C’est un grand changement pour lui et ce n’est pas toujours évident de savoir quelle est réellement sa place. Son ambition est de permettre à sa nièce d’aller mieux et retrouver son père, qui a été le plus détruit dans toute cette histoire effroyable. Il espère qu’un jour, Mila pourra revoir son père sans fondre en larmes en venant s’accrocher à lui comme à une bouée de sauvetage. C’est en tout cas, le souhait qu’il émet chaque matin lorsque l’eau s’abat sur son corps et qu’il puise en lui le courage pour affronter une nouvelle journée. Après cela, il s’applique à réaliser le petit déjeuner avant de venir extirper la princesse de ses songes duquel elle a du mal à s’en extirper lorsqu’ils sont doux. C’est souvent une bouille ronchonne mais adorable qui l’accueille sous les draps avant de filer dans la cuisine pour prendre son petit déjeuner. Souvent cette scène lui arrache un sourire, car il revoit sa sœur lorsqu’enfant, elle ronchonnait pour aller à l’école, mais se pliait à l’exercice. Une fois l’estomac plein et leur habillage respectif réalisé, ils prennent tout naturellement le chemin de l’école avant que lui ne prenne la direction du Zoo où il occupe le poste de vétérinaire. Il est la personne à contacter au moindre soucis avec un de leurs protégés et accompagné de son binôme, normalement remplacé à partir de ce jour, il arpente les différentes sections de l’établissement pour s’occuper de ses protégés. Cette nouveauté lui offre une perspective plaisante. Celle de découvrir une nouvelle âme avec qui il passera une grande partie de ses journées et avec qui il espère avoir une plaisante collaboration. Au pire des cas, il s’adaptera à la volonté de son binôme, mais autant que le travail se déroule dans la joie et la bonne humeur. Une solution peut toujours être trouvée de toute manière. Il sait peu de choses sur son binôme. Un nom et un prénom, un résumé de son parcours. Il aurait dû participer à l’entretien, mais une crise de Mila l’avait empêché d’être présent. Il devait pouvoir intervenir en cas de soucis. Il sait qu’il devra en parler avec ce nouveau partenaire à un moment où un autre, par soucis de transparence. Une longue journée l’attend et la perspective de d’aller nager va la rendre plus agréable encore. Lorsqu’il arrive au Zoo, il rejoint naturellement les vestiaires. Souvent le premier, à cause de ses obligations, il a la surprise d’entendre une voix. « Salut. » Il lance simplement dans un sourire qu’il s’efforce de faire entendre dans sa voix alors qu’un homme fin et à l’attitude revêche entre dans son champ de vie. Son apparition le surprend, mais ne lui fait pas perdre son sourire. « Ravi de te rencontrer Declan. » Il commente avec ce sourire chaleureux qui ourle ses lippes en venant lui serrer la main. « Je suis Esteban. Cela tombe bien, nous allons être partenaires. » Il lâche dans un rire qui est détendu alors qu’il dépose ses affaires devant son casier. « Merci pour l’invitation et avec plaisir. » Il lui indique en lui jetant un coup d’œil. « Je me changerai après. » Il ajoute en venant refermer son cassier après y avoir déposer ses affaires. « Je suis désolé, je n’ai pas pu être là lors de l’entretien. J’ai eu une urgence. » Il lui indique sans rentrer plus dans le détail. « Tu as travaillé au Zoo de Naples, c’est bien ça ? » Il le questionne alors qu’il l’invite à le suivre pour lui montrer où se trouve la salle de pause ainsi que la machine à café. « Je suis quelqu’un de curieux par nature alors si jamais mes questions te dérangent ou que tu ne veux pas y répondre, faudra pas hésiter à me le dire. Je ne le prendrais pas mal. » Il lui indique en se tournant vers lui alors qu’il marche à reculons. Les yeux sont le miroir de l’âme, alors Esteban privilégie toujours le contact visuel lorsqu’il le peut. Il veut tout de suite instauré le cadre afin qu’ils partent sur de bonnes bases, car c’est primordial. La communication est essentiel si on veut vraiment travailler dans de bonnes conditions et en équipe.

C'est serein, heureux et impatient que j'attaque ma journée, pressé de rencontrer le reste de l'équipe du zoo et notamment ceux avec qui je vais être en contact lors de mes heures de présence. Au cours de mon entretien comme de mes précédentes visites, je n'ai pas pu voir tout le monde. Faut dire qu'il y a pas mal de personnel avec des plages horaires assez larges. Je sais que je ne rencontrerais pas tout le monde aujourd'hui, mais je vais avoir mon premier contact avec celui qui va être mon partenaire. Pas d'angoisse particulière à ce sujet, bosser avec des mecs ne me dérangent pas, je préfère même. Sauf quand je travaillais avec Stella, mais la rouquine était un peu une exception sur pas mal de point. Et elle le restera certainement. A peine prêt je file, me moquant d'arriver au zoo avec quelques minutes d'avance. Enfin là ces minutes vont plus ressembler à une heure vu qu'au niveau circulation c'est fluide. Mais qu'importe, je pourrais me familiariser avec les lieux en toute tranquillité. Histoire de prendre mes marques, d'être à mon aise pour la journée, plus facilement dans mon élément. Je retrouve les vestiaires et le casier qui m'a été attribué, je pose mes affaires et je suis surpris quand je me rends compte que je ne suis pas seul à arriver tôt. A part que ce soit quelqu'un de l'équipe de surveillance de nuit qui vient de finir. Du coup je vais à la rencontre de cette personne, tant bien on s'est déjà croisé. Et non le visage qui s'offre à moi m'est totalement inconnu. Mais il est autant surpris que moi. Je me présente et il en fait de même.

« Enchanté Esteban et content de faire enfin ta connaissance. » J'ai entendu parler du vétérinaire, on m'a même parlé de ses compétences. Je suis vraiment ravi de bosser avec un mec qui, vu ce qu'on m'en a dit, est un passionné des animaux. C'est tout naturellement que je lui souris et que lui propose un café, on a largement le temps. « Pas de souci, je comprends les animaux en priorité. » Et la conversation s'engage tranquillement, mais discuter sur tout ce qui touche mon travail me plaît, je mets rarement de frein à ce style d'échange. « On m'a parlé de toi, en bien je le précise, et j'ai pas mal été impressionné sur ton parcours et j'avais hâte de te rencontrer. Cela ne te manque pas trop de voyager ? » Quand on aime bouger, rester sur place quelques années à la suite ne doit pas être facile. Devenir sédentaire n'est pas une chose aisée quand on a pas mal bourlinguer. « Oui durant dix ans. J'y étais très bien mais j'avais besoin de changement. » De démarrer une nouvelle vie pour être un nouveau Declan. Même si je sais que je me berce peut être d'utopie, mais j'ai bien le droit de rêver un peu. Et je suis Esteban vers la machine à café qui se trouve dans la salle de pause. Je souris en le voyant marcher à reculons pour que nos visages se fassent face et que nos yeux s'accrochent. Cherche t-il à me juger ? « Ok j'en prends note. C'est cool d'être curieux. Et tant qu'on parle boulot, les questions ne me dérangeront pas. Je suis plus réticent sur ce qui touche la vie privée. » Je me dis que c'est peut être un peu sec d'entré, surtout que bon pas sûr qu'un jour on aborde des questions qui sortent du domaine du travail et des animaux. « Enfin au départ. Je suis assez secret sur ce point là, ou plutôt renfermé. » Je passe ma main dans mes cheveux, pensant que c'était idiot de dire des trucs de ce genre. A croire qu'il m'intimide. Quelle pensée idiote. Mais ses yeux clairs ... enfin bref passons. « J'ai juste du mal à me lier. Pas au boulot en dehors. » En dehors je mets des barrières à tout sauf aux coups, aux mots salaces, aux réactions démesurées. Heureusement on arrive à la machine à café. « Tu bois quoi ? » Je me fais couler un café court et j'attends la réponse d'Esteban pour faire sa boisson, que je lui tends en suivant. « Et toi tu bosses ici depuis six ans si je me souviens bien ce que le boss m'a dit ? » Tourner la discussion sur lui, évitera de trop parler de moi, même si je ne refuserais pas de répondre à ses questions tant qu'elles toucheront l'univers professionnel.

Pas de soucis, je comprends les animaux en priorité. Declan semble avoir un sens des priorités qui s’accordent aux siennes. Il n’y a rien de plus irritant pour le vétérinaire que lorsqu’on l’oblige à suivre des réunions de coordinations lorsqu’il y a des animaux qui ont besoin de lui sur le terrain. Ce qui explique que la plupart du temps, il est absent de ces réunions et qu’il ne cherche jamais à s’en excuser. Pourquoi perdre des heures en réunion alors qu’ils ont tant de choses à faire au quotidien ? Le bien-être des animaux n’est-il pas plus important que tout le reste ? Il ne rebondit pas sur les propos de Declan, car il se rend compte qu’il n’a pas été précis dans ses déclarations. Il a conscience qu’une explication devra être nécessaire lorsque les crises de sa pupille viendront troubler leur routine dans le Zoo, mais Esteban compte tout mettre en œuvre pour jamais le mettre en porte à faux. Au fil des mois, il a su rebondir sans mettre à mal son partenaire. En tout cas, c’est un point sur lequel il a toujours veillé. Cela ne te manque pas trop de voyager ? Cette question qu’on lui pose souvent et qui vient mettre le point là où cela fait mal. Il a dû tirer un trait sur sa liberté pour s’assurer du futur bonheur de sa nièce. Le regrette-t-il ? Non. Aurait-il fait différemment ? Non. Pourtant, il ne peut pas s’empêcher de se dire qu’effectivement son ancienne vie lui manque. « Un peu. » Il admet dans un sourire désabusé. « C’était une expérience merveilleuse. Elle m’a énormément enrichi et j’ai pu rencontrer et prendre soin d’espèces que nous n’aurons peut-être jamais la chance d’avoir au Zoo. Je le souhaite à tout défenseur de la faune de vivre une telle expérience. » Il lui indique avec cette passion perceptible dans sa voix alors qu’il conclut. « J’ai eu énormément de chance de pouvoir faire cela, par le biais de stages avant d’être employé. Peut-être qu’un jour, je reprendrai cette voie et partirait de nouveau à l’aventure, mais je ne me plains pas. Le travail au Zoo est tout aussi intéressant. » Son expression demeure détendue alors que c’est au tour de Declan de lui indiquer qu’il avait besoin de changement. Il se contente de lui offrir un sourire compréhensif. Il a bien fait s’il en a ressenti le besoin. Il faut toujours s’écouter. Ils prennent naturellement la route vers la salle de repos en échangeant. Declan a l’air sympathique, ce qui risque de rendre la construction de leur binôme plus aisé. Il lui indique qu’il risque de se montrer très curieux et il lui offre la possibilité d’y répondre ou de refuser de le faire. C’est au tour de Declan de poser les cartes sur table, de lui indiquer ses limites et Esteban prend bien note que son nouveau binôme préfère garder sa vie privée sous scellée. Il prend note pour ne pas s’aventurer dans ce terrain glissant, mais il compte également sur l’irlandais pour qu’il le rappelle à l’ordre si besoin. En tout cas, évoquer cela semble le mettre dans une situation délicate. Il le voit dans sa manière de glisser sa main dans ses cheveux, de préciser sa pensée. Il lui offre un sourire chaleureux. « Je comprends, il n’y a pas de soucis. » Il lui indique avec douceur. « En tout cas, aucun malaise avec moi. Si jamais, je vais sur la mauvaise pente pour toi, n’hésite pas à me le dire, je ne le prendrai jamais mal. Chacun a droit à son jardin secret. » Il conclut alors qu’ils arrivent dans la salle de repos. « Je veux bien un chocolat. » Il lâche dans un rire. « J’ai du mal avec le café et le thé est infecte. » Il lâche dans un sourire amusé qu’il tente de rendre complice. Il récupère sa boisson lorsque celle-ci est prête. « Depuis un an et demi pour être exact, mais j’ai travaillé durant six ans pour la WFF, d’abord en tant qu’assistant vétérinaire avant d’obtenir mon diplôme et de faire partie de leur équipe titulaire. J’ai travaillé sur différentes missions pour la protection de la faune dans des endroits où malheureusement des espèces sont en voie de disparition à cause de l’activité humaine. C’est vraiment frustrant, ce sentiment d’impuissance qui te prend à la gorge, quand tu constates que des espèces sont mises en danger parce que les Hommes ne sont pas capables de prendre soin de leur environnement. Je me rappellerai toujours cette famille de chimpanzés lors d’une mission en Amazonie qui était complètement dévasté dans cette exploitation d’huile de palme où leur colonie vivait avant l’arrivée des hommes. On a été contacté pour récupérer cette petite colonie dont certains membres avaient été blessé, car ils luttaient pour garder leur territoire. On a malheureusement eu un male de la colonie qui a été tué… Je me suis tellement senti en colère à ce moment et pourtant, je suis quelqu’un de pacifique. » Il lâche dans un sourire désabusé alors qu’il inspire profondément. Les souvenirs sont toujours présents. Ils lui prennent à la gorge, car il demeure un fervent défenseur de la cause animale. Il ne comprendra jamais le besoin qu’ont les hommes de blesser les espèces animales, qui ne demandent qu’à vivre en paix. C’est quelque chose qui lui échappe totalement. La violence n’amène jamais la paix. Elle ne fait que détruire ce qu’il y a de meilleur chez les gens. C’est un peu pareil avec les animaux.  

Je ne me suis senti nullement offusqué par l'absence d'Esteban le jour de mon entretien. On m'a parlé de lui, sans vanter ses mérités, mais en me faisant comprendre à quel point le bien être des animaux étaient importants pour lui. Et j'ai trouvé cette nouvelle parfaite, car c'est aussi ma façon de voir la vie. Si j'ai choisi de bosser avec les animaux ce n'est pas pour épater la galerie, mais bien pour faire de mon mieux pour que leurs existences soient la plus belle possible. Je sais combien l'humain est tordu, il n'y a qu'à voir ce qu'il fait à son espèce, alors il l'est encore plus avec l'espèce animale. Alors ce n'est pas moi qui vais brimer ou reprocher quoi que se soit au vétérinaire. Bien au contraire cela me fait déjà l'apprécier alors que je ne le connais pas. Je lui fais dont passer le message que moi aussi je vais passer les animaux avant tout le reste. Espérant que ce point commun rende notre complicité professionnelle des plus parfaite. Vu ce qu'on m'a dit sur lui je me doute que ne plus autant voyager doit un peu lui manquer. Il me répond franchement et ça aussi j'apprécie. La seule chose qui me perturbe ce sont ses yeux clairs un peu trop posé dans les miens. Je n'y vois aucune menace, mais c'est perturbant. Je me concentre sur ses paroles et pas sur ses yeux revolvers, essayant en retour de tenir ce regard déstabilisant. Mais vu son aisance Esteban regarde certainement tout le monde de cette façon, dont pas d’inquiétude à avoir. Et je ne dois pas juger trop vite un mec qui aime les animaux à ce point, c'est une note très positive pour moi. « Je t'envie un peu sur le coup. Ce que j'adore c'est lorsqu'on a la chance d'avoir des naissances. Mais c'est vrai que c'est un métier merveilleux et passionnant qui apporte beaucoup de satisfactions. » Sans m'étaler je suis dis pourquoi je suis passé de Naples à San Francisco. Et vu comme tourne la conversation je précise que parler boulot ne me posera pas de souci, après ma vie privée c'est plus un jardin secret, enfin un terrain miné vu mon comportement. Car j'ai beau essayé de me contrôler, il y a cette angoisse qui apparaît et mes gestes en témoignent. Et toujours ce regard qui semble vouloir lire mon âme, ou bien c'est juste moi qui me fait des idées. En tout cas Esteban reste bien veillant et me fait comprendre qu'il n'ira pas à l'encontre de mes barrières et que s'il le fait un rappel à l'ordre de ma part et il stoppera. De quoi calmer mes craintes qui n'ont pas de raison d'être à cet instant. Et qui j'espère ne naîtront pas plus tard. J'aime trop mon job pour me sentir mal avec mon binôme. « Ok merci c'est sympa. Et désolé j'ai tendance à être un peu brutal et froid quand on touche à ce domaine. » Je voudrais pouvoir ne plus ressentir ce mal être dés qu'on aborde certains sujets. Même si je sais que les gens ne vont pas pointer du doigt mon enfance et ma maltraitance. Mais parfois j'ai la sensation que tout se lit sur mon visage, que tout passe dans mon regard. C'est idiot mais c'est mon ressenti. Et c'est peut être pour cette raison que son regard clair me perturbe autant, c'est comme si Esteban pouvait lire entre les lignes et voir mes souffrances. Vraiment n'importe quoi.

« Va pour un chocolat. » Je fais couler nos boissons et puis je lui tends la sienne alors que je goûte la mienne. Je vois bien qu'il cherche à me mettre à mon aise, alors je réponds à son sourire. Après tout on va travailler ensemble il vaut mieux que le courant passe d'entré, sinon cela risque fort de compliquer les choses. Et je n'ai pas envie de prise de tête au boulot. J'en ai assez dans la vie de tous les jours, même si j'espère qu'ici j'en aurais moins. Mais je connais le loustic que je suis et je sais que si les emmerdes ne viennent pas à moi, j'irais les chercher. Et la discussion continue toujours en rapport à notre métier et surtout le parcours d'Esteban qui se livre sans problème, et qui rectifie mes propos au sujet de ses six ans au zoo. « Wahou cela devait être intense et secouer le cœur. A côté mon parcours fait pâle figure. J'ai sauvé quelques fauves, un cirque qui avait fait faillite et la propriétaire a confié ses bêtes au zoo, elle en était très proche vu qu'ils avaient été élevés au biberon. Du coup je lui ai permis de ne pas perdre contact avec ses fauves en plus cela a facilité leurs intégrations. Et maintenant Stella bosse au zoo, elle peut continuer à prendre soin de ses animaux. Et j'ai sauvé un wistiti, il s'était échappé d'un trafic et c'était retrouvé dans le jardin d'un particulier avant de finir dans un refuge. Grâce à lui la police a pu stopper le trafic. Mais il est vrai qu'on en voit des horreurs. Mais on les oublie quand on voit la beauté de la nature. On ne garde que les moments de joie. » Un sourire plus grand se dessine sur mes lèvres, quand je fais le bilan j'ai plus connu de bonheurs grâce aux animaux que grâce à mes congénères. Triste réalité de la vie, les humains ne savent que poignarder dans le dos. Ressenti violent qui ne sait jamais apaisé. « Et c'est quoi le programme d'aujourd'hui du coup ? Tu as des animaux en soin ? De futures naissances sont prévus ? » L'impatience se sent dans ma voie. J'avale mon café. « J'avoue que j'ai hâte de me mettre dans le bain, ces quelques semaines sans m'occuper de bêtes c'étaient un peu l'enfer. » Et encore une fois ma main passe dans mes cheveux comme si je me sentais coupable de vouloir donner plus d'attention aux bêtes qu'aux hommes.

Il sourit à la réponse de son binôme. Un moyen de lui faire comprendre qu’il ne le lui tient absolument pas rigueur de vouloir garder son jardin secret. Lui-même n’aime pas parler de sa vie personnelle même s’il ne la cache pas lorsqu’elle vient sur le tapis. Il ne sera absolument pas le premier à en parler de manière naturelle, mais il l’abordera si on lui pose des questions, car il n’a nullement de raisons de se cacher. Cela ne l’empêche pas de comprendre que tout le monde n’est pas pareil et que parfois, il est préférable de se cacher derrière un miroir pour ne pas regarder sa réalité en face au point qu’elle s’impose à soi. Il s’efforce de ne pas extrapoler. Cela ne le mènerait à rien et il le sait. Une fois sa boisson entre les mains, il le remercie par un sourire avant de répondre obligeamment à ses questions. Il s’ouvre naturellement, car il est aisé de parler de cette passion qu’il a pour les animaux. C’est un amour sincère et profond qu’il a pour ces créatures malheureusement malmenées par l’Homme, mais qui ont tant à donner. Il évoque un souvenir douloureux, un de ceux qui l’ont marqué dans son cœur et dans sa chair. Il ne pourra résolument pas oublier cette expérience, qui n’a fait que renforcer sa mobilisation pour la défense des animaux en voie de disparition. Il ne cherche pas à s’octroyer des lauriers. C’était le cœur de son travail et il l’a toujours pris très à cœur. Il est fier d’avoir pu faire partie de cette mission quand bien même ses effets étaient limités. Lorsque Declan lui donne le change sur ses expériences, il considère qu’il n’a absolument rien à lui envier. Il s’est mobilisé et a agit à son échelle pour améliorer la vie et l’équilibre de ses protégés et c’est tout à son honneur. « Ton parcours est tout aussi exemplaire, Declan. » Il lui indique dans un ton chaleureux et sincère. Ses prunelles ancrées aux siennes, il lui offre un sourire plus franc. « Tu as su apporter un équilibre à des animaux qu’on avait arraché de leurs repères. C’est un travail de longue haleine, pas simple à accomplir, surtout que parfois, l’Homme créé de la méfiance par ses actes irréfléchis. » Il lui indique en révélant le fond de sa pensée. « Malheureusement, on ne pourra pas changer le monde, mais c’est en agissant comme tu peux le faire et moi aussi, qu’on pourra être là pour accompagner les créatures qui en ont le besoin. En tout cas, il n’y a rien de plus beau que de voir un de ses protégés pleinement épanoui. » Il conclut dans un sourire alors qu’il boit la gorgée de son chocolat chaud. Il sourit à l’enthousiasme de son nouveau binôme. C’est plaisant à voir et il ne peut masquer un petit rire. « Je te comprends totalement. » Il lui indique concernant le fait que son travail lui manquait. « J’ai pas mal de patients à aller voir. Rien de grave fort heureusement, mais quelques petites blessures par-ci et par là. Cela te permettra d’en rencontrer certains et de te familiariser avec l’environnement. Je te propose d’être dans un premier temps en appui à mes consultations. Histoire que je t’explique leurs spécificités pour que tu puisses ne pas être en insécurité. En fonction de comment ça se passe et de comment tu te sens, on pourra changer le mode opératoire. Qu’en penses-tu ? » Il le questionne, réellement désireux d’avoir son point de vue sur la question. Esteban ne prétend pas avoir la science infuse et il est prêt à s’organiser autrement si Declan le désire. Après tout, la communication est la base de tout équilibre dans une relation et il ne veut pas rater le cache avec son nouveau partenaire.

Je me sens un peu idiot d'avoir la sensation de toujours me sentir menacer. En danger. D'avoir l'impression que l'on veut violer mon âme, agresser dans mon être. L'impression que l'on voit ma rage, les fêlures de mon passé détraqué. Je sais que ce n'est pas le cas à cet instant, Esteban est juste prévenant et ouvre le dialogue pour que la communication passe. On va bosser ensemble et il vaut mieux qu'on s'entende bien. Mais ce ressenti profond, malsain, il est là et il règne en maître depuis bien des années. Alors je joue la prudence, pour qu'il n'y ait pas de quiproquo. Pour que ma révolte si on ouvre une porte ne semble pas mal venu. Qu'elle soit comprise, même si elle semble injustifiée. C'est toujours autant compliqué dans ma tête, cela vogue entre le bien et le mal, mêlant parfois les barrières et me faisant perdre pied. Et je ne veux pas. Alors le privé doit rester du domaine du privé. C'est mieux ainsi. Mieux pour moi mais surtout pour lui car il pourrait voir dans son binôme le monstre qui dort et qui ne demande qu'à sortir pour sauter à la gorge de ceux qui le provoque. Monstre tapi et qui ne rêve que de puissance, de reconnaissance mal placée, d'abondance de violence. Alors que je voudrais trouver la paix. Mais elle ne semble pas exister pour moi. Ou alors il faudra attendre l'autre monde, celui des yeux fermés et de la peau froide. Celui ou la réalité ne viendra plus cogné mon être abîmé et brisé.

Boissons chaudes en main on continue à discuter, les choses étant au point, je me sens plus serein. Même si je dois avouer que le regard clair d'Esteban me perturbe. Je n'arrive pas à l'analyser, mais vu sa douceur j'essaie de ne voir que le positif. Depuis quand je vois de la douceur dans le regard d'un homme. Étrange. Certainement le trac de la première rencontre, tout devrait vite rentrer dans l'ordre quand mes mains seront occupés et que mes yeux seront posés sur mes futurs protégés. On parle de nos parcours et je trouve le sien particulièrement motivant. En retour il trouve le mien tout autant exemplaire, même si pour moi à côté je fais pâle figure. Mais comme il le dit chacun à son échelle fait le bien pour que nos compagnons vivent au mieux dans ce monde fait de brutalité. Le lion quand on regard l'homme n'est pas si cruel que ça. Il ne torture pas, il tue juste pour manger. Quel homme agit de la sorte ? Aucun. « Merci tes mots me touchent. Et en effet on fait de notre mieux. Parfois je me dis que sans les humains, la nature se porterait bien mieux. On gâche tout même les choses les plus belles, même l'innocence. » Voie plus tremblante. Trouble des souvenirs. Je voudrais juste un jour oublier vraiment. Mais je sais que c'est une chose impossible. Je dois apprendre à vivre avec ces souvenirs dérangeants. Je me reprends. Je ne veux pas qu'il voit de faille. Personne ne doit en voir. Elio en a vu. Et c'est largement suffisant. Puis je lui parle du manque. Mes journées sont si fades sans les animaux, c'est comme s'il me manquait une pièce. Déjà que je ne suis pas entier. Mais tout va rentrer dans l'ordre. Et Esteban peut sentir l'impatience dans ma voix, comme un gamin qui attend ses cadeaux de Noël. Même si pour moi cette impatience je ne l'ai jamais connu ce jour là. « C'est super qu'il n'y ait rien de grave. J'aime pas les voir souffrir. Cela me crève le cœur, et non je ne suis pas un sentimental. C'est juste  .. enfin bref passons. » Je passe ma main dans mes cheveux, mais quel con je suis. J'ai dis pas de faille. Putain de regard trop clair qui me fait dérailler. « Et je suis ok pour te suivre et voir comment tout se passe. Je sais qu'ils ont besoin de se familiariser en retour et j'ai horreur de les brusquer. » Et je souris. « J'ai un peu vu les installations et certainement choses marchent comme au zoo de Naples. Surtout au niveau des codes de sécurité. Mais je me doute qu'il doit y avoir des manips qui vous sont propres. Et je suis un bon élève quand le professeur me motive. » Esteban est motivant car passionné comme moi, de quoi donner à notre binôme un bon départ. Je jette mon gobelet. « Je suis prêt c'est quand tu veux. » Tape amicale dans le dos et nous voilà prêt à démarrer cette première journée de collaboration.  

L’échange est agréable. Il sent que leur binôme risque de bien se passer. Ils semblent en accord sur de nombreuses choses. Ils agissent au quotidien pour le meilleur de leurs protégés. C’est leur ambition première. Il n’avait pas de doutes sur la question. On choisit rarement de devenir agent animalier ou vétérinaire par dépit. Il faut avoir la vocation pour se lever chaque matin et prendre parfois des risques avec des animaux craintifs. C’est leur rôle d’apaiser, de prendre soin et d’accompagner ces créatures, qui sont normalement des forces de la nature. Esteban semble percevoir dans la tirade de son nouveau collègue, une fragilité, une de celle qui laisse supposer qu’il a affronté de lourdes épreuves dans son existence. On gâche tout même les choses les plus belles, même l'innocence. La phrase est lourde de sens. Il en a pleinement conscience et il ne peut s’empêcher de noter cette fébrilité qui gagne Declan. Il ne dit mot, se contente de lui sourire de manière compatissante. « Je suis d’accord avec toi. Le genre humain serait bien plus respectueuse si on gardait notre âme d’enfance. » Il indique dans un petit rire alors que son homologue lui indique son impatience d’aller au front. Il est volontaire et son excitation est plaisante à voir. Cela va être agréable de travailler avec lui. C’est en tout cas la sensation qu’il a à cet instant alors que ses prunelles ne quittent pas les prunelles ténébreuses mais limpides comme du cristal de Declan. Un rire s’épanche naturellement de ses lèvres à la remarque du brun. Sa confusion est attendrissante. Il a des allures de badboy, mais son amour pour la faune fait tomber les barrières. « Tu as juste un cœur. Un cœur qui n’aime pas que les créatures les plus faibles souffrent. » Il conclut dans un sourire avant de laisser Declan poursuivre. Il est d’accord avec ce qu’il lui propose. Cela le rassure qu’il désire prendre son temps, permettre aux différents protégés du zoo de se familiariser avec lui. « Oui, tu t’habitueras facilement aux coutumes du zoo. Je serai là quoi qu’il en soit les premiers temps pour te laisser le temps de t’acclimater. » Il lui indique alors qu’il sent la main de Declan dans son dos. Une tape amicale, mais dont il a cruellement conscient, comme à chaque fois qu’une personne le frôle ou le touche. C’est une réaction primitive qu’il ne métrise pas. Elle le trouble toujours autant bien qu’il y soit familiarisé. Le geste n’a rien d’intrusif. C’est un geste amical et Declan n’est résolument pas le premier à le faire, mais c’est juste son corps qui y réagit d’une manière peu conventionnelle alors qu’il est très conscient de ce contact et que son esprit s’y attarde. Ce qui explique qu’un silence vient accueillir les propos de son nouveau binôme. Très rapidement, il s’extirpe de sa confusion coutumière à tout contact pour faire comme si de rien n’était. Il lui faut du temps pour se familiariser avec les personnes, les contacts avec eux. Il finira peut-être par s’y accoutumer. Il l’espère en tout cas. « Eh bien, allons-y ! » Il finit par lancer dans un sourire amical alors qu’il vient à son tour jeter son gobelet dans la poubelle prévue à cet effet. Il l’invite naturellement à le suivre alors qu’ils quittent les vestiaires pour rejoindre le côté logistique du zoo. « Je dois juste récupérer ma mallette, vérifier qu’on a bien tout ce qu’il nous faut pour le planning qui nous attend. Ce sera l’occasion pour toi d’en récupérer une, ainsi qu’un talkie-walkie, l’outil indispensable pour pouvoir communiquer dans le zoo. » Il lui indique alors qu’il vient pousser une porte pour entrer dans un local où ils sont accueillis par une jeune femme qui se lève. « Salut Esteban ! Comment vas-tu ? » Lui indique la demoiselle avec un grand sourire alors qu’elle se lève pour venir tendre la main au nouvel arrivé. « Salut Shana !  Bien et toi ? Je te présente Declan, c’est son premier jour. Tu as préparé, ce que je t’avais demandé ? » Il la questionne alors qu’elle sert la main naturellement à Declan. Elle a abandonné l’idée de lui faire la bise ou de lui serrer la main quand elle a perçu qu’il n’était pas totalement à l’aise avec ces conventions sociales. « Bien sûr. J’ai mis la mallette pour Declan à côté de la tienne. J’ai préparé le BABA, mais je compte sur toi pour me dire ce dont tu as besoin, beau brun. » Elle indique à Declan dans un clin d’œil charmeur alors qu’Esteban s’avance déjà vers sa mallette pour l’ouvrir et détailler l’ensemble de son matériel. Il passe toujours du temps à vérifier son matériel, s’assurer qu’il ne lui manque rien pour éviter d’être en difficulté. La préparation est indispensable. « Je te remercie Shana. Declan, n’hésite pas à vérifier si tu as tout ce dont tu aurais potentiellement besoin. Sinon n’hésite pas à lister ce qui pourrait te manquer. Shana te préparera tout pour demain. C’est la fée de la maison. » Il indique à son binôme dans un petit sourire en coin. Shana rit derrière lui alors qu’elle revient vers eux avec une paire de talkie-walkie. « Il n’y a que toi qui me voit comme une fée, ici. » Elle lance dans un sourire espiègle alors qu’elle lance un regard mutin à Declan. « Vraiment ? » Il la questionne en haussant un sourcil, légèrement perplexe. Sa remarque arrache un rire plus franc à sa collègue. « Certains pensent que j’ai pactisé avec le diable, mais c’est juste parce qu’ils sont chiants. Tu es juste différent alors je le suis avec toi. Peut-être que je pourrais l’être avec le beau brun. » Elle lance avec un sourire en coin avant de lâcher. « Si vous avez besoin de moi, vous savez où me trouver. » Elle lance en rebroussant chemin pour rejoindre son bureau et son PC, les laissant seuls derrière elle. Esteban la regarde perplexe avant de regarder son nouveau collègue. « Je suppose que c’était un compliment. » Il lance dans un petit sourire désorienté avant d’ajouter. « C’est une chouette fille. Elle fait son travail et trouve toujours ce dont tu as besoin quand tu en as le besoin. Ta mallette te convient ? Sinon n’hésite pas à lui demander. » Il indique à Declan alors qu’il vient glisser l’anse de sa mallette sur son épaule, prêt à se lancer dans ses missions sur le terrain.  La journée peut commencer.

vmicorum.

La conversation est fluide, l'échange agréable. On a tous les deux cette même vision au niveau de la protection des animaux. Et c'est un bon point, même si en choisissant ce métier il est quand même logique d'aimer les animaux. Je ne verrais pas une personne qui les déteste venir leur apporter des soins et de l'attention. Quoi que l'homme reste un grand mystère dans sa complexité, il fait bien souffrir son prochain de manières violentes. Alors tout est possible. D'ailleurs je ne peux m'empêcher de laisser parler mon ressenti, même si j'essaie de ne pas me crisper ou devenir froid en le disant. « Oui mais c'est malheureusement une chose impossible. » Et même si c'était possible je ne suis pas si certains y arriveraient. Il y aura toujours des monstres tapis dans l'ombre prêt à bondir sur les êtres fragiles et les âmes pures. Il y aura toujours un monstre pour salir la beauté d'un ange innocent. Pas que gamin je me considérais comme un ange, mais mes ailes ont été brisées bien jeune. Quel homme serais-je devenu s'il n'y avait pas eu cet abus horrible ? Je ne pense pas que j'aurais touché à l'alcool, à la drogue, que j'aurais fini par battre à mort des gens juste à cause de leurs orientations sexuelles. Et je souris à la suite de ses paroles. Oui j'ai un cœur il me sert à vivre, mais il est sec comme un désert aride. Sec et brisé et je ne pense pas qu'un jour il retrouvera la capacité de ressentir quoi que se soit pour les humains. Bon il y a quelques personnes qui l'ont un peu touché, mais tellement d'autres le mettent en rage et le rendent plus aride que le contraire. Et on enchaîne sur la programme de la journée. « Merci c'est gentil, j'apprécie. » Je laisse machinalement et naturellement ma main venir se poser sur l'épaule d'Esteban. Sans réellement comprendre je sens qu'il y a comme un flottement à cet instant, un silence qui n'a pas sa place. Un malaise peut être. Mais je ne relève pas, on a tous nos démons. Je suis bien placé pour le savoir. On finit par sortir car il est temps d'aller prendre nos postes.

Avant toute chose il faut aller récupérer notre matériel. « Oui je suis d'accord avec toi le talkie-walkie est bien utile dans notre boulot. Et une mallette wahou !! On avait une pochette à Naples. Une mallette ça fait plus classe je trouve. » On entre dans un local et c'est Shana qui nous accueille. Sourire aux lèvres la demoiselle est plutôt mignonne et un brin taquine. Je remarque également qu'il n'y a aucun contact entre elle et Esteban. Ni accolade, ni échange de bises, ni même un serrement de main, ou un code secret. Et je repense à son silence après ma tape contre son épaule. Je prends note de ce petit détail. « Bonjour Shana. Enchanté de faire ta connaissance. Et si en plus j'ai droit aux compliments super accueil. » Je tends la main et je souris tout en regardant Esteban faire. « Il est très méticuleux à ce que je vois. » La belle fait oui de la tête. Et puis comme mon binôme me le demande je vérifie le contenu de la mallette. « Tout semble parfait vous êtes super équipés et je n'hésiterais pas s'il me manque du matériel. Mais là tout semble bien complet. » Je récupère le talkie-walkie et je me tourne vers Esteban. « Une fée !! Je trouve ça chouette d'avoir une fée pour veiller sur nous. » Et je ne peux m'empêcher de remarquer les sourires et les regards de la jolie Shana. Il me semble que je lui ai tapé dans l’œil. Mais pour le moment je vais rester sérieux, surtout vu comment tourne toutes mes relations. Je ne veux pas avoir de problème au travail. « Si j'ai bien compris faut que je sois un ange pour que Shana la petite fée s'occupe bien de moi. » Je me mets à rire, il n'y a rien d’ambigus dans mes mots. Je suis heureux d'être bien accueilli, « Bonne journée Shana. » Mallette à la main, talkie-walkie en poche on se prépare à sortir du local avec Esteban alors que la belle repart à ses occupations. « En tout cas elle a l'air de t'apprécier. Va falloir que je sois cool avec toi, car la fée pourrait bien se transformer en vilaine sorcière sinon. » Et j'éclate de rire. « Oui elle est parfaite. Et je n'hésiterais pas. »

Et une fois prêt nous sortons tous les deux, j'ai hâte de me lancer dans cette journée et dans un esprit positif. Il y a juste une chose qui me trotte dans la tête, la réaction d'Esteban suite à mon geste et le manque de contact entre lui et Shana alors qu'ils semblent tous les deux très complices. Pas que je sois un mec tactile, surtout avec les hommes. Mais je ne voudrais pas me mettre en porte à faux s'il a un souci avec ce genre de détail. « Dis moi juste un truc me chiffone .. parce que je ne veux pas faire d'impair et te mettre mal à l'aise. » Je le regarde tout en marchant. « Bon tant bien je me plante  et dans ce cas je passerais pour un idiot.. mais j'ai la sensation que tu préfères garder tes distances .. enfin physiquement parlant .. pas que ça me gêne je ne suis pas spécialement tactile mais j'ai senti un blanc après mon geste et j'ai été surpris par le fait qu'avec Shana il n'y est pas eu d'accolade. » Je me sens un peu con en parlant de ce genre de chose. « Et autant éviter les impairs et prendre le risque de te mettre mal. » Qu'importe la raison je comprends parfaitement ce genre de ressenti. Je vois bien comment je suis dans les rapports intimes. « On a tous nos blessures je peux comprendre ce besoin de distance alors ne te gêne pas avec moi. » Pas la peine d'y faire un dessin  il a du voir dans mes réactions que de mon côté aussi il y avait des failles. Et je lui souris. « On commence par quoi du coup ? » Oui parce qu'on est là pour bosser et pas pour papoter. Les bases sont établies, tout devrait bien se passer en restant honnête. Enfin dans la mesure du possible.

En tout cas, elle a à l’air de t’apprécier. Il lui semble également que leur relation se base sur un respect mutuel. Va falloir que je sois cool avec toi, car la fée pourrait bien se transformer en vilaine sorcière sinon. Sa remarque lui arrache un rire également. Il a du mal à imaginer que le changement de posture de Shana puisse dépendre de la relation qu’on a avec lui. « Elle déteste seulement qu’on la prenne de haut, car son rôle est de s’assurer de la maintenance du Zoo. Certains oublient que c’est une mission très compliquée, surtout pour des équipes telles que la nôtre. Elle doit être vigilante à 100% et certains, manquent de reconnaissance alors que c’est grâce à elle qu’ils n’ont pas à s’inquiéter d’avoir tout ce dont ils ont besoin sous la main. » Il indique à Declan avec sincérité. Il y a des personnalités diverses au sein du staff du Zoo. Des personnes très respectueuses, d’autres très vaniteuses qui font que des tensions existent alors qu’il serait plus sain que chacun se respectent mutuellement et ait une posture bienveillante. Malheureusement, il est très bien placé pour savoir que malheureusement l’espèce humaine à diverses facettes, certaines plus belles que d’autres. Le nouvel binôme finit par rejoindre le dédalle des cheminements du Zoo à la quête de leur premier protégé à ausculter. Leurs pas foulent le bitume alors qu’ils avancent dans un silence nullement pesant. Esteban n’a pas besoin le besoin de parler tout le temps. La solitude de ses pensées est une chose à laquelle il tient. La voix de Declan attire naturellement son attention. Sa voix grave dénote le ton plus léger de leur précédent échange. Il sent qu’il y a une légère tension dans son expression comme s’il y avait quelque chose qui le travail. Comme à ses habitudes, le vétérinaire se montre attentive, un sourire bienveillant sur les lèvres pour lui assurer qu’il peut s’exprimer librement. Le sujet abordé est délicat. Il a toujours la sensation de devoir justifier son manque de contact avec les autres. Depuis toujours, il sait que son manque de contact intrigue les gens, que c’est une forme d’anormalité, mais comment expliquer que c’est juste inné chez lui ? Il n’y a pas de traumatisme à proprement parlé. Il n’a pas forcément besoin d’être au contact des autres. Il l’est un peu plus lorsque ses sentiments entrent en jeu. « C’est juste un réflexe. » Il lui indique avec bienveillance. « Ce n’est pas inné chez moi. Je n’ai pas ce besoin de contact. » Il ajoute en venant glisser sa main dans sa nuque. « Le contact ne me dérange pas, c’est juste que mon esprit se bloque dessus. C’est juste déroutant à chaque fois. Je suis focalisé sur ce contact sans pouvoir m’en empêcher. » Il admet en venant pousser un soupir. « Je préfère éviter les contacts quand c’est possible, mais je sais que certaines personnes sont tactiles, alors je m’acclimate. Alors ne te tracasse pas avec ça. » Il conclut dans un sourire qui est sincère alors qu’il plonge ses iris dans les siennes. « Nos premiers patients seront Shark, Shona et Silver, la dernière portée de Maïa, notre lionne dans la nurserie du cat kingdom. Il semblerait que Shark s’est abimé les coussinets. Ce sera l’occasion de faire une visite de contrôle des trois. » Il lui indique alors qu’il ouvre la marche pour qu’ils rejoignent ladite nurserie. Ils retrouvent un de leur collègue qui les accueille chaleureusement en leur indiquant que la nuit s’est bien passée même si Maïa semble tendue. « Est-elle avec ses petits ? » Il questionne son collègue qui lui indique que c’est bel et bien le cas. « OK. Declan, je t’invite à me suivre dans l’enclos, mais de rester du côté de la porte tant que je ne t’aurai pas invité à avancer. Maïa n’est pas dangereuse, mais comme elle est inquiète pour Shark, il vaut mieux être vigilant. » Il indique à son nouveau binôme alors qu’il vient doucement entrer dans l’enclos. Les lionceaux chahutent aux côtés de leur mère qui grogne par reflexe lors de l’intrusion d’Esteban. Il lui faut quelques secondes pour établir le contact visuel et le maintenir. « Ce n’est que moi, ma belle. » Il lui indique de sa voix la plus douce alors qu’il s’approche d’elle. En tant normal, elle serait venue l’accueillir, mais Shark dont le bandage entoure sa patte est sa seule inquiétude. Il s’approche naturellement d’elle. En confiance, elle le laisse approcher, mais vient protéger sa progéniture de sa patte épaisse. « Tout va bien ma belle. » Il lui indique en venant s’agenouiller face à elle pour gratter sa crinière. « Je suis là pour m’occuper de Shark. » Il lui indique alors qu’elle vient lui donner un coup de tête. Il répond naturellement à sa sollicitation en lui en donnant un également alors qu’il vient porter son attention au petit lionceau sur lequel son emprise s’est détachée. Son regard vient rejoindre celui de Maïa. « Je m’en occupe, il est entre de bonnes mains. » Il lui indique en venant doucement gratter sous sa mâchoire. « Je te le ramène rapidement. » Il ajoute alors qu’elle vient docilement soulever sa patte pour lui donner accès à une boule de poil qui grandit jour après jour. Il l’attrape naturellement dans ses bras pour lui caresser le vendre, sentant les griffes du petit s’immiscer légèrement dans sa chair. Il essaye de jouer. Maïa se détend alors qu’elle se redresse pour regarder Declan à l’entrée de l’enclos. « Tout va bien, ma belle. Il est là avec moi. » il lui indique en venant lui donner un coup de tête fraternel. Elle vient s’asseoir à ses côtés, sans quitter l’intrus du regard, mais elle le fait toujours lorsqu’elle doit s’habituer à quelqu’un d’autre. « Tu peux approcher maintenant. Doucement. » Il invite son partenaire à avancer. Il reste en alerte, n’ayant aucune crainte sur le fait que Declan aura les bons gestes pour avoir sa confiance et lui permettre d’atteindre sa portée. Une fois qu’il sera prêt, il pourra l’aider à récupérer les trois lionceaux et à quitter l’enclos avant de rejoindre leur génitrice lorsqu’ils auront réalisé les différents soins et contrôles.  

Une fois sorti du l'antre de Shana, je ne peux pas m'empêcher de taquiner amicalement Esteban sur sa relation avec la demoiselle. Même si certaines choses ont fait tilte à mon regard, j'ai bien vu qu'ils s'appréciaient et que j'avais du coup intérêt à me tenir à carreau avec mon collègue. Je ne compte pas lui faire du mal, j'ai en dix ans de boulot au zoo de Naples jamais eu de soucis avec le personnel. Je suis loin du Declan qui déambule en ville quand je bosse. Loin du mec irritable qui part au quart de tour et qui n'a que la colère dans le cœur. Ma priorité étant les animaux, je ne vais pas chercher des noises à ce qui sont dans le même optique que moi. « Je comprends. Faut leurs remonter les bretelles à ceux qui ne voient pas le potentiel de la demoiselle. Et qui ne se rendent pas compte du boulot qu'elle abat pour leur faciliter la tâche. Surtout qu'elle a plus l'air du genre à se couper en quatre que de mettre des bâtons dans les roues. Il faut toujours qu'il y ait des relous. » Je soupire. Mais la vie est ainsi, il y a les bons et les mauvais, en espérant que les mauvais garderont leurs distances avec moi. Je n'ai nullement envie d'avoir des problèmes. Même si je sais que je serais moins apte à perdre mon contrôle sur mon lieu de travail qu'en dehors. Je profite du temps de marche, pour aller rejoindre notre poste, pour lui parler de ce petit malaise que j'ai cru ressentir. Je ne sais pas si je tape dans le mille ou si c'est juste du à l'angoisse du premier jour, mais je préfère en parler. Après tout nous allons travailler ensemble et autant mettre carte sur table d'entré. Cela m'évitera de faire un impair. D'imaginer des choses alors qu'elles n'ont pas lieu d'être. Et de partir du bon pied. Surtout que même si je ne connais pas Esteban j'ai vu dans sa façon de me parler qu'il était honnête. Et vu le boulot que nous faisons et pour le bien être des animaux autant tout mettre les chances de notre côté en ne laissant pas une petite chose insignifiante foutre le bordel. Même si de lui demander me dérange un peu car je ne veux pas qu'il pense que je suis curieux. Et il me répond sans animosité dans la voix pas du tout ennuyé d'expliquer ce que j'avais au final pas trop mal cerné. « Ok je comprends mieux, merci de ta réponse. On va bien s'entendre je ne suis pas tactile non plus. Je donne juste le nécessaire. » Et en sachant ce qu'il en est cela me permettra d'éviter également les contacts inutiles, mais que la société nous fait mettre en place les voyant comme une forme de politesse. Au final on a quelques points communs.

Et celui qui est en haut de l'affiche c'est notre amour pour notre travail et pour les animaux. Sujet qui m'intéresse bien plus que tout le reste et qui me fait être beaucoup plus attentif aux paroles d'Esteban. « Parfait pour bien débuter la journée, une lionne avec ses lionceaux. » Je répète dans ma tête les prénoms des fauves sachant qu'il va falloir un peu de temps pour retenir toutes les identités. Mais j'ai tendance à prendre des photos et à noter qui est qui dans un répertoire que je crée dans mon téléphone avant de le mettre sur mon ordinateur. Le temps de m'habituer à tout ce petit monde. On arrive à la nurserie, je salue le personnel présent, en me présentant. J'en ai croisé lors de ma première visite. Mais je laisse Esteban gérer les départs des choses. « Oui on procéder de la même manière à Naples. Pas la peine de la rendre nerveuse en invitant un étranger dans son espace. Pour protéger ses petits elle sera prête à tout. J'attendrais ton ordre. » Je ne suis pas un débutant dans l'exercice l'ayant pratiqué mais là je reste aux yeux de Maïa un inconnu et un danger en perspective si j'agis trop vite. Je me positionne là où mon collègue m'a dit et je le laisse agir. Le regardant dans tous ses gestes. Difficile de douter de son professionnalisme et de son amour des bêtes. Il use de douceur et de patience pour calmer la mère. Je suis admiratif et j'en ai vu des vétérinaires bossaient. Mais là Esteban a un truc en plus. Comme un magnétisme qui fait que la lionne lui donne carte blanche et s'autorise à baisser sa garde ayant compris que ni ses petits, ni elle étaient en danger. Je retiens quand même mon souffle, et je ne lâche pas la scène des yeux. Je me sens même ému. Puis il me donne le feu vert pour le rejoindre. J'entre alors dans la cage, le regard baissé, restant accroupi en position de soumission montrant à la lionne que je ne suis pas là pour m'imposer mais juste pour aider Esteban dans sa tâche. Elle a l'air de bien l'apprécier d'ailleurs et lui aussi, il n'est pas avare de gestes tendres avec elle. La lionne a ses côtés me garde dans son champ de vision, je lui tend ma main, toujours les yeux baissés lui laissant le loisir de me sentir. Je ne fais aucun mouvement brusque. Et une fois qu'elle a compris que ses petits ne risquaient rien j'aide mon collègue à les récupérer pour qu'on puisse les ausculter correctement à l'extérieur de la cage et prodiguer les soins nécessaires à la patte Shark. On sort doucement, toujours en tranquillisant la lionne. Elle grogne un peu mais rien de méchant, ses petits lui répondent. Je caresse la crinière de celui que je tiens dans mes mains pendant qu'Esteban tient les deux autres dont le petit blessé. Une fois la porte de la cage fermée je regarde mon partenaire. « Wahou quelle technique et quelle maîtrise. Je suis admiratif, et pourtant j'en ai vu des opérations dans ce genre. Mais toi tu as quelque chose d'animal quand tu la regardes. » Peut être parce qu'il a bossé sur le terrain qu'il a vu l'état sauvage de ces bêtes magnifiques. « Du coup lui c'est Shark. Je suppose qu'on s'occupe de vérifier ses coussinets en priorité. Et je tiens qui ? Shona doit être une femelle. Et Silver un autre mâle je suppose. » Je vérifie le sexe pour savoir. Et puis on dépose les petits monstres sur la table d'examen. Leurs petits crocs et petites griffes viennent marquer nos peaux. « Voilà ils prennent nos mains pour des os à rousiguer, » Et je ris discrètement pour ne pas les affoler, laissant toujours Esteban mener les opérations.

OK, je comprends mieux, merci de ta réponse. Il n’y a pas de jugement dans le timbre de la voix de Declan. Il accepte sa différence et ne s’en formalise pas. C’est agréable et à la fois surprenant, car Esteban fait régulièrement face à d’autres réactions. Parfois ce sont des rires désabusés qui éclatent à son oreille comme s’il plaisantait avec cela ou ce sont des questions plus intrusives les unes que les autres qui lui sont posées pour tenter de trouver une logique à tout cela ou le silence, car il y a une forme de jugement dans leur regard et qu’ils n’osent pas lui dire. L’acceptation simple est plutôt rare. Declan semble être le genre de personne à accepter la différence sans chercher à y trouver sens. Il n’est pas tactile de son côté, ce qui peut expliquer sa sensibilité à ce sujet. Ils n’auront pas à se contraindre à une normalité qui ne leur convient pas et c’est fort appréciable. « Je t’en prie et je n’ai pas d’inquiétude sur le fait qu’on va bien s’entendre. » Il lui indique dans un ton chaleureux alors qu’ils sont sur le point de rejoindre la nurserie où se trouve leurs premiers patients. Un sourire ourle ses lippes alors qu’il semble enthousiaste vis-à-vis de leur première mission. Une fois à l’intérieur de la nurserie, Esteban met sa casquette de vétérinaire. Il donne ses indications, s’assurant que Declan y adhère et qu’il les suivra sans mettre en péril la sécurité des animaux et la leur. Ce qui semble être le cas et il lui donne naturellement sa confiance alors qu’il pénètre dans l’enclos pour retrouver Maïa, la jeune lionne qui vient d’avoir sa première portée. Il s’efforce de la rassurer, de retrouver cette complicité qu’il a tissé avec elle depuis son arrivée dans le Zoo et durant le suivi de sa grossesse. Il s’est naturellement attaché à elle et lui offre sa douceur aussi aisément qu’il le ferait avec sa nièce. C’est étrange qu’il soit si attentionné et tactile avec les animaux et les enfants alors qu’il est plus réfractaire avec les humains. Sans doute parce que dans ces contacts-là, il ne s’agit que du témoignage d’une profonde affection et que ces gestes sont totalement innocents. Maïa y est sensible et accepte de relâcher sa garde pour lui permettre d’accéder au petit malheureux qui s’est blessé et sur lequel elle veille en digne génitrice qu’elle est. Rassuré, il invite Declan à s’approcher et celui-ci d’une main de maître agit conformément aux besoins de la lionne qui le laisse entrer dans son espace personnel. Tout en délicatesse, ils récupèrent la portée sous le regard attentif de leur mère qui a décidé de leur faire confiance. Tout se passe à merveille et Esteban en est ravi alors qu’ils retrouvent l’extérieur de l’enclos pour déposer leurs pupilles sur des tables de consultations. Les louages de son partenaire le prennent de court. Il n’est jamais à l’aise lorsqu’on le complimente sur ses compétences, car il ne sait pas toujours comment gérer les émotions qu’elles provoquent. Il prend ces paroles avec détachement, décidant de ne pas laisser ses émotions prendre le dessus sur son attitude professionnelle. Un sourire vient ourler ses lippes simplement alors qu’il lui indique avec douceur : « Tu t’en es très bien tiré également. C’est sans doute parce que je les considère comme ma famille. Maïa est la première patiente que j’ai eu à mon arrivée au zoo. Au fil du temps, j’ai tissé un lien privilégié avec elle, mais avec d’autres, mais je ne doute pas qu’il en sera de même pour toi prochainement. » Sa voix est douce et aimable alors qu’ils viennent déposer les lionceaux sur la table d’examen. « Shona. C’est la plus coquine des trois. » Il lui indique dans un petit sourire alors qu’il dépose Silver du côté de Declan. « Je vais commencer par inspecter l’évolution de la cicatrisation de ses coussinets. De ton côté, est-ce qu’il te serait possible de vérifier l’évolution du poids de Shona et de l’inscrire dans les carnets qui se trouvent à côté de la balance, s’il te plait ? » Il lui indique alors qu’il caresse Silver pour tâcher de l’apaiser. Ce dernier mordille son poignet alors que sa patte abimée pend légèrement sur l’autre côté. « Je sais que tu as mal mon petit, mais tout va bien se passer. » Il lui indique en venant doucement caresser son dos avant de rejoindre la patte et retirer le bandage que le lionceau essaye d’attraper comme s’il s’agissait d’un jouet. Une fois défait, il est satisfait d’entrevoir que la blessure est moins étalée. Une crotte semble légèrement recouvrir les bords, mais l’entaille est encore bel et bien présente. Il va devoir désinfecter de nouveau et bander de nouveau la patte. Avant cela, il préfère vérifier tous les signes habituels de contrôle : ses dents, ses oreilles, sa température. Ses gestes sont lents, s’adaptent aux réactions de l’animal. Il maîtrise son travail à la perfection et le lionceau devient une poupée entre ses phalanges agiles qui opèrent sans hésiter. Tous les signes sont au vert. Il ne souffre pas d’infection et son état ne se dégrade pas. Il grogne par moment, mais rapidement ils s’estompent sous l’effet de ses caresses fermes, mais apaisantes. « Est-ce que tu as fini ? » Il questionne Declan en venant plonger de nouveau son regard dans le sien. « La plaie s’est légèrement cicatrisée, mais ce n’est pas encore ça. Je vais devoir la désinfecter, appliquer un baume réparateur avant de la bander de nouveau. Je vais avoir besoin de son aide pour le maintenir durant l’action, car ce petit monstre aime beaucoup mordre. » Le ton est doux malgré les traces de dents qu’on peut voir sur ses mains fines. Il ne ressent pas la douleur. Elle est devenue coutumière au fil des années, assez pour qu’il ne s’attarde pas sur elle. Un sourire amical ourle ses lippes alors qu’il laisse Declan revenir vers lui après avoir déposé les deux autres dans un petit enclos non loin d’eux. De son côté, il prépare l’ensemble du matériel, l’extirpe de sa mallette pour les déposer sur le plan de travail, prêt à donner des conseils à son partenaire si nécessaire, mais il n’a aucun doute sur le fait que Declan est compétent et saura agir comme il le faut durant l’opération.

Avec Esteban, on va bosser ensemble, alors le mieux c'est d'être honnête l'un envers l'autre. Cela m'ennuierais qu'il y est un malaise au boulot. En dehors je m'en foutrais royalement, parce qu'en dehors je ne suis qu'un fouteur de merde qui cherche la moindre faille pour frapper. Cogner et être cogner apaise la bête qui vit en moi. Mais sur mon lieu de travail, j'essaie que le terrain d'entente soit plat, j'évite les vagues, parce que c'est le seul endroit où je me sens bien et en sécurité. Pas à cause des gens que je fréquente mais à cause des animaux. Même si au premier abord le courant passe bien avec le vétérinaire. Et j'espère que cela continuera, d'où aussi le fait que je mette cartes sur table. Au moins on sait tous les deux vers quel terrain on va. Pas de surprise de dernière minute, ou de lapin blanc sortant du chapeau. Je ne juge pas, je mets juste tous les atouts de mon côté pour me facilité la tâche, la siennes aussi par la même occasion. Ne voulant aucunement que mes collègues voient celui que je suis vraiment, ce gamin brisé et broyé qui ne trouve la paix que dans la violence et l'alcool, quand il sort de l'élément qui le maintient à flot. On a la même passion qui coule dans nos veines alors en restant dans cet univers tout devrait bien se passer. Et il est grand temps de commencer mon travail, même si là je vais devoir suivre toutes les directives données par Esteban. Le temps de me faire à mon nouvel élément et de me mettre dans le bain du fonctionnement du zoo. Mais cela me convient et je verrais comment il bosse.

Et notre première mission consiste à rejoindre la nurseries pour récupérer un bébé lion blessé  à la patte. L'opération peut s'avérer délicate car la mère va jalousement veiller. Car je reste un facteur inconnu activant la méfiance. Alors avec Esteban on va devoir jouer la prudence et je ne devrais pas faire de mouvement inconsidéré. Je le laisse agir, le regardant intrigué et intéressé par son professionnalisme. Tout en surveillant les mouvements des fauves. Je reste impressionné par ses gestes et sa maîtrise, je sens bien la confiance qu'il y a entre les animaux et lui. J'avoue que sur ce coup là je reste bouche bée. Il me captive et je ne manque pas de lui dire que sa technique est au top. Voyant autant sa force que sa douceur. Il me surprend vraiment, même si je ne doutais pas de son talent. Le voir agir me fait penser que j'ai vraiment un coéquipier de choix, qui va certainement m'apprendre à devenir meilleur. Et je ne dis pas cela pour lui jeter des fleurs, pas mon genre. Parce que je ne suis pas du genre à faire de la lèche pour obtenir des faveurs ou des privilèges en retour et je ne supporterais pas qu'on agisse de la sorte avec moi. De toute façon ma voix et mes expressions montrent ma sincérité. « Merci. Et je comprends cette sensation de famille. Quand je suis parti de Naples cela m'a plus déchiré le cœur de laisser mes protégés que les gens que j'avais appris à connaître. » Il y a peut être que Stella ou la séparation a été plus difficile et encore, je pense que vu qu'elle était attirée par la gente féminine et non masculine, cela a rendu la cassure plus facile. Je souris quand il dit que Shana est la plus coquine ; « Elle le porte sur sa frimousse. » Je l'écoute une nouvelle fois quand il donne le déroulé des soins. « Ok je m'occupe de peser la demoiselle. » Je récupère le carnet, cherche la bonne page et pose le fauve sur la balance. « Attends reste tranquille deux secondes d'accord. Après tu pourras jouer avec mes doigts. » Le temps que le poids se stabilise je regarde Esteban, je le trouve tellement doux dans ses mouvements. Pas que je sois une brute, mais il a quelque chose de magnétique. Pourquoi je pense de cette façon je l'ignore mais je me dis que ce mec est vraiment calé avec les animaux. « Bon elle a pris 237grs en plus. Est ce que tu veux que je vérifie le poids de Silver aussi. » Je reprends Shana dans mes mains et la belle vient tout de suite se saisir de mes doigts. « Et si tu les manges je pourrais plus te faire de câlins petit gourmande. La mère les nourrit suffisamment ou vous leurs donnez des compléments ? » Dans la nature les animaux se débrouillent, mais là on se doit de veiller à ce que les petits soient alimentés correctement. Puis je reviens vers Esteban. « Alors son coussinet bonne évolution ? » Vu qu'il semblait qu'au toucher Shark avait mal. « Pas de souci le poids est vérifié. Et il n'y a rien à signaler au niveau des dents et des oreilles. Reste plus que la température à prendre pour Shana et Silver, mais je peux le faire après. » D'ailleurs je remets le félin dans sa cage pour donner un coup de main à Esteban et finir de soigner Shark qui reste la priorité. « Allez sois sage bonhomme on va avoir vite fini. » On s'en déjà que malgré la patience de mon collègue le félin en a marre d'être tripoté. « Il garde bien le pansement c'est une bonne chose. Parce que souvent ils ont tendance à l'arracher. » J'ai fais plusieurs l'expérience et pas qu'avec les fauves. Je jette un coup d’œil à la patte restant doux dans mes gestes alors qu'Esteban prépare le matériel. « Après ce sont tes mains qu'il va falloir soigner. » Les risques du métier, mais je suppose que comme moi il n'y fait pas gaffe, trop pris dans sa tâche. Et puis c'est un peu comme les brûlures ou les coupures pour un chef cuisinier, cela fait partie du boulot. Mais ce petit inconvénient est bien insignifiant face au bonheur qu'on ressent en s'occupant de ses peluches vivantes. Et une nouvelle fois je reste admiratif face à la technique de mon partenaire. « Je suppose qu'une fois qu'on a terminé on les ramène à leurs mère qui doit trouver le temps long. » Même si on essaie de ne pas trainer, il nous faut le temps de tout vérifier.

Quand je suis partie de Naples cela m’a plus déchiré le cœur de laisser mes protégés que les gens que j’avais appris à connaître. Il hoche simplement la tête dans un sourire entendu, compréhensif. Il comprend ce sentiment puisque lui-même a vécu la même chose. Il ne lui était pas difficile de changer d’équipe. Ce qui était le plus douloureux, c’était d’abandonner ses animaux derrière lui, les savoir entre de bonnes mains sans pouvoir en avoir la quasi-certitude. Seulement, il s’était habitué à cela. Tout simplement parce qu’il savait qu’il les avait sauvés, qu’il avait effectué son travail et que d’autres créatures blessées attendaient ses soins. C’était cette certitude qui l’avait aidé à passer à une autre mission, à s’investir de nouveau à cent pour cent, tout en mettant sa vie de côté. Du moins jusqu’à qu’une tragédie touche sa filleule. Depuis ce jour, c’était elle qui était sa priorité, celle dont il essayait de cicatriser les blessures en espérant y parvenir un jour. Il ne se laisse pas gagner par ce frison d’horreur qui remonte le long de son échine à chaque fois qu’il y pense. Il préfère se concentrer sur cet instant, sur les soins qu’il applique à ses protégés. C’est facile d’échanger avec Declan. C’est un soigneur passionné et attentif aux besoins des animaux. Il le porte sur lui, dans sa manière de communiquer avec eux. Esteban avait toujours eu de la chance dans ses binômes. Il fallait avoir de la passion pour faire le métier qu’ils faisaient, mais il n’était pas sot de penser que certains pouvaient perdre cette flamme. Ce qui en faisait de moins bon soigneur, mais il avait assez de motivation pour deux. Il l’observe du coin de l’œil agir, plus par curiosité que pas inquiétude, sans oublier d’agir de son côté. Le fait qu’ils soient avec des lionceaux rend la chose plus facile. Les risques sont réduits. Il sait y faire et rapidement, il détourne son attention pour la concentrer à Shark. Il vérifie les constantes indispensables. Pas de détérioration, ce qui est plutôt positif. Ce genre de blessures à ce jeune âge peut devenir fatale parfois. Il écoute la voix de Declan lui donnait les informations nécessaires. « Oui, s’il te plait. » Il lui répond lorsqu’il lui demande s’il veut qu’il pèse Silver. « C’est parfait pour Shana. Cela veut dire que Maïa les nourrit suffisamment. Cela évite qu’on utilise des compléments, mais faudra qu’on continue de surveiller cela. » Il lui indique avec ce ton professionnel, presque distant tant il est concentré sur sa tâche. Pourtant, il a conscience des déplacements de Declan autour de lui. Il le sent plus qu’il ne l’entend lorsqu’il revient vers lui. Il lui répond naturellement au sujet de Shark. Il vient naturellement lui apporter son aide. « Oui, au début, il était plus réfractaire. Je passais plusieurs fois dans la journée pour lui refaire. Il semble avoir compris qu’il devait le garder. » Il lui indique dans un sourire amusé, presque attendri alors qu’il vient commencer à agir. Après ce sont tes mains qu’il va falloir soigner. Les paroles l’arrachent de sa tâche. Il pose naturellement ses yeux sur ses mains. Effectivement Shark a compensé sa douleur en laissant ses griffes et morsures sur la chair de ses mains. Il les découvre tant il s’était fermé hermétiquement à beaucoup de chose. Il en a tellement l’habitude qu’il ne réagit pas à des blessures aussi légères, mais il sait qu’il devra prendre le temps de les soigner. Simplement parce qu’il fallait éviter que ça s’infecte, aussi légère soit la blessure. Elle pouvait toujours empirer. « Tu as raison. » Il lâche dans un rire léger, détaché. Il n’y accorde aucune importance à cet instant alors qu’il vient reprendre son soin au sujet de cette patte abimée. Il s’applique à bien désinfecter cette plaie, ne rechigne pas sur le produit juste pour s’assurer qu’il fera son travail. Lorsqu’il est satisfait de cela, il utilise une nouvelle gaze et un nouveau bandage qu’il applique aisément grâce à l’aide apportée par Declan. Le rugissement de Maïa vient répondre à la question de Declan, lui arrachant un rire alors qu’il vient chercher le regard de son binôme. « Tu as ta réponse. » Il lâche avec une pointe de malice dans le regard. « On arrive ma belle. Encore quelques minutes. » Il lâche à l’encontre de Maïa qui rode de leur côté avant de venir donner des coups de tête contre la clôture en bois. Dépêchez-vous. Elle semble leur indiquer alors qu’elle fait des allers et venues autour de la porte. « C’est une impatiente. Un peu comme Shana. Je sens que je vais avoir droit à une attaque en bonne et due forme. » Il lâche avec humour. Il est accoutumé à ce que Maïa lui saute dessus, pèse de tout son poids sur lui pour l’attaquer gentiment, mordiller ses vêtements avant de retrouver ses enfants et redevenir une mère. Une mère qui les veiller comme la prunelle de ses yeux. « C’est fini. Je te remercie. » Il indique à Declan alors qu’ils terminent les derniers détails de leur intervention avant de rejoindre le box et Maia qui les attend de pied ferme. Un rugissement proche du ronronnement vient les accueillir lorsqu’elle les voit avancer avec sa marmaille. Il dépose naturellement Shana et Silver par terre, alors qu’il a laissé Shark à Declan. Il ne faut que quelques secondes à Maïa pour s’élancer vers lui, telle un fauve prêt à se jeter sur sa proie. « Allez viens ma belle. » Il lui indique alors qu’elle se jette dans ses bras, le faisant reculer jusqu’à la clôture. Il accuse le coup, vient frictionner cette fourrure comme à ses habitudes alors qu’elle vient glisser ses pattes autour de ses épaules en cherchant à mordiller tout ce qu’elle peut trouver à sa disposition. Notamment son crâne. Il rit naturellement en venant lui donner des petites tapes amicales. « Tu es un gros bébé capricieux. » Il lâche à Maïa dans un ton empli de douceur et rieur. Elle lâche un grognement avant de s’éloigner pour lui donner des coups de tête dans le ventre. Très rapidement, elle s’intéresse à Declan et surtout à Shark qu’il tient dans ses bras. Shark vient doucement grogner pour appeler sa mère et Maïa vient naturellement vers Declan pour récupérer sa progéniture. L’instant est tendu, mais agréable à regarder. Declan fait ses premières armes avec sa première protégée. Il l’apprivoise, la rassure, la dompte avant de lui remettre son petit qu’elle vient prendre dans sa gueule après lui avoir donné un coup de tête dans les cuisses en mode d’acceptation. Très rapidement, elle est retrouvée par la fratrie et s’éloigne pour retrouver un coin plus loin d’eux où elle peut baisser sa garde. Esteban vient naturellement sourire à Declan. Il lui offre un clin d’œil complice. « Tu t’en es bien sorti. Félicitations. » Il lui indique alors qu’ils quittent le box. A cet instant, il n’a aucun doute que son binôme avec Declan fonctionnera, qu’ils parviendront à s’entendre et à travailler main dans la main. C’est le début d’une nouvelle coopération.

Aimer les animaux plus que les humains cela n'a jamais été un problème pour moi. Je dirais même que vivre dans un monde sans humain ne me poserait pas de problème. Bon faudrait juste une femme de temps en temps, histoire de me détendre et encore. Ma main pourrait me suffire. Enfin ce genre de monde n'est pas pour demain et j'évite de faire étalage de ce style de pensée. Je finirais crucifié si les gens savaient. Certains ne pourraient pas comprendre pourquoi tant de haine envers l'espèce humain. Ils me rétorqueraient que je n'aurais pas plus de chance face à certains animaux, mais eux  ne chercherait qu'à me bouffer, pas à m’humilier. Et cela fait une grande différence.

Du coup tout me semble plus aisé quand je suis dans mon élément professionnel. Bien sur il y a quelques angoisses, nouveau lieu, nouveau binôme, nouvelles responsabilités, nouveaux animaux. Mais tout rentre vite dans l'ordre, même avec des lionceaux entre les mains. Il faut dire que Esteban me facilite la tâche, il est tellement professionnel, vu son parcours c'est plus que logique. En tout cas j'apprécie de me retrouver avec lui, d'apprendre de son savoir. Tout se déroule parfaitement alors que notre attention est monopolisée par Silver, Shana et Shark. Chacun passe à la pesée, pesée qui rassure sur le fait que Maïa la mère les nourrit bien. et à une bonne vérification. Il ne faut pas prendre le risque de passer à côtés d'une petite blessure.  Je vérifie au prés de Esteban que je n'oublie rien dans la procédure et je ne manque pas de lui demander s'il a besoin d'un coup de main. Surtout qu'il doit gérer les coussinets de Shark qui a finit par accepter d'avoir des pansements. « Tu m'étonnes porter des chaussettes pas trop leur truc à ses petits monstres. » Les gestes restent prudents et maîtrisés. Je prends beaucoup de plaisir à m'occuper de ces peluches. Peluches qui aiment bien user de leurs crocs et de leurs griffes sur nos mains. Mais on finit par prendre l'habitude, un chat en ferait de même en jouant, les pattes sont juste plus impressionnantes. Je taquine d'ailleurs mon collègue à ce sujet voyant les dégâts occasionnés par son protégé. Je souris à sa réaction. « Je jouerais les docteurs après si tu veux. » Parce que lui non plus ne doit pas prendre le risque que ses blessures s'infectent. On a besoin de nos mains en pleine santé pour exercer notre métier. La mère nous fait alors entendre son impatience, elle doit trouver que cela fait trop longtemps qu'on a kidnapper ses petits. Même si on ne pense qu'à leur bien en s'occupant d'eux. Esteban la rassure de ses mots, je ne suis pas sûr qu'ils soient efficaces vu qu'elle continue à réclamer. « J'ai hâte de voir comment tu vas gérer son attaque de maman poule impatiente. »

Et elle n'est pas la seule en à avoir marre Shana aussi y va de ses petits grognements. Les lionceaux dans les bras on retrouve le box. « Je crois qu'elle les compte les minutes là. » Je garde une voix taquine, pas de moquerie, juste un réel plaisir de voir la complicité entre Esteban et Maïa. Complicité qui se fait grandissante quand il entre dans la cage pour rendre à la mère ses petits qui ont envie de jouer avec elle. Mais la lionne accorde d'abord de l'intérêt à celui qui lui rend sa progéniture. J'observe encore une fois admiratif de ce lien précieux qu'il a tissé alors que j'ai encore Shark dans les bras. Mon cœur se met à battre plus fort, j'ai vécu ces moments aussi à Naples. Je sais qu'il est encore trop tôt pour retrouver ces sensations ici. Faut le temps que je me fasse accepter, apprivoiser. Mais je ne suis pas pressé, précipiter les choses seraient néfastes. « Quel beau tableau. » Je découvre un Esteban encore plus souriant et chaleureux. Un vrai amoureux des animaux et de son métier. Puis je rends sa liberté au lionceau, je reste prudent et attends qu'elle vienne vers moi. Je lui laisse le temps de se faire à mon odeur et à ma présence. Mais aucune crainte dans mes réactions ou dans mon regard et beaucoup de respect et même de la soumission face à Maïa sachant qu'un coup de patte pourrait m'arracher le visage. La petite famille se reforme sous nos regards attendris. Je réponds naturellement à son sourire. « Merci. Mais quand je te vois faire je me dis que j'ai vraiment un binôme de qualité. On va faire une bonne équipe. » Un dernier coup d’œil à la lionne et ses petits qui ont repris leurs habitudes. « En liberté cela doit être magique. » J'espère un jour avoir cette chance. Puis je me concentre sur Esteban. « Avant de continuer il faut qu'on s'occupe de tes mains. » Je sors le nécessaire pour nettoyer et désinfecter les mains bien entamées par les griffes et les crocs des peluches. Une fois fait on continue notre tournée, et je continue à découvrir le nouvel univers dans lequel je vais bosser tous les jours à présent. Une première journée riche en émotions et en découvertes. Le début d'une complicité professionnelle.